Une page folle relève d’une expérience cinématographique puissante qui nous ferait dire aujourd’hui que nous n’avons rien inventé depuis. L’histoire est celle d’un vieux marin devenu employé d’un hôpital psychiatrique afin de favoriser l’évasion de sa femme internée après avoir noyé leur enfant. Il rêve des premiers jours de leur vie commune, se trouve pris dans une mutinerie et retourne au travail, résigné, après que sa femme ait refusé de le suivre. Les images de ses souvenirs, actions et espoirs se succèdent à l’écran sans réel lien narratif. Superbes, elles s’emballent et se bousculent aux gré des maux du marin et de ceux des aliénés. Leurs folies sont prétexte à des déformations et des trucages expérimentaux qu’un montage lie magistralement entre eux. Le rythme y est vertigineux, le cadre, l’éclairage, les décors et le gestuels des comédiens font d’Une page folle un chef-d’œuvre mondial du cinéma muet.
Laure Favret