Depuis plus d’un siècle, hier comme aujourd’hui le cinéma continue de façonner les multiples mouvements de ses images. Il suit, prolonge, actualise, s’éloigne parfois, de ce que nous avions appris à reconnaître. Chaque ligne de conduite, reprises, refontes, expérimentations, atteste par la différence de sa vitalité. Il ne cesse ainsi de s’ouvrir au contemporain, et ce faisant, de participer activement à le requalifier.
Une vaste reconfiguration du domaine des images en mouvement semble s’opérer pourtant depuis notre entrée dans l’ère numérique. Ou plus exactement avoir trouvé dans les évolutions technologiques et les nouveaux moyens de communication, les vecteurs d’une irrésistible accélération d’un processus dont l’origine se situe à la jonction des années 70 et 80. L’image en mouvement y glissait un peu plus encore vers un régime de massification mercantile (télévision, clip, publicité) et vers des dérivations plastiques rénouvelées (art-vidéo, image de synthèse) poussant le cinéma en deuil de sa modernité à réfléchir des déterritorialisations qui l’impactaient d’autant plus qu’il en avait été techniquement la source et esthétiquement le modèle.
Voir des films, et surtout en revoir, nous permet de nous interroger sur ce qu’il advient du cinéma, nous incite à circonscrire, à identifier dans cette nuée d’images en mouvement ce qui relève encore de gestes et d’opérations où il subsiste et se redéfinit. Nous avons ainsi souhaité faire du temps de cette 40e édition du Festival des 3 Continents une étape résolument ancrée dans le présent, une manière de réaffirmer l’attrait et les valeurs esthétiques du cinéma à l’aune des formes qu’elles prennent aujourd’hui.
Un programme de quarante films se voit dans cette perspective associé à la publication d’un ouvrage collectif intitulé D’autres continents – Mouvances du cinéma présent, co-édité par WARM. De manière complémentaire, ils participent d’une contribution à un état des lieux du cinéma tel qui va, assimilant le plaisir de donner à voir à celui de décrire et de penser. Ni un best of ni un top 40, ce programme se donne essentiellement comme une suite de points de passages substituant à la profusion des images et des liens souvent lâches qu’elles tissent avec la matière et les réalités de notre monde, l’hypothèse d’une carte. Sans en limiter les aspects à un genre, à des tendances, à des actes isolés ou à une stricte affaire de goût, elle redonne une exclusivité à des films que nous voulions voir exposer par eux-mêmes leurs singularités et les offrir aux rapprochements, à la comparaison, à l’appétit que nous manifestons encore et toujours de préciser ce que les films déposent en nous.
Ils nous regardent. Voyons-les.
Jérôme Baron