L’air avachi, le pas traînant et la mine ahurie, Min-seo fait une drôle d’héroïne, déjà fatiguée avant que le film commence. Elle est si ordinaire, on a tellement envie de la secouer, que l’altérité singulière apportée par l’autre héros du film, un immigré venu du Bangladesh et maîtrisant parfaitement le coréen, nous fait adhérer d’emblée à leur friction. Comment faire tenir, sur toute la durée d’un film, l’improbable duo formé par une ado boudeuse et tête à claques, et un immigré bangladeshi arnaqué par son patron ? Pour Dong Il-shin, cela passe par la variété des registres : sorte de buddy-movie léger et nonchalant, Bandhobi est aussi un double portrait attachant, aussi bien qu’il s’exerce comme satire sociale sur un terrain peu fréquenté par le cinéma asiatique : la confrontation avec l’étranger. Dong Il-shin n’a pourtant pas réalisé un réquisitoire édifiant, la triste infortune vécue par son héros, fût-elle universelle, n’est en rien le prétexte à un plaidoyer indigeste. Au contraire, en s’attachant d’abord à ses personnages et aux métamorphoses qu’ils subissent à la faveur de leur rencontre imprévue, le cinéaste fait preuve d’une évidente délicatesse, qui se poursuit jusque dans le très beau générique de fin.
Jean-Philippe Tessé