Les récents événements qui ont secoué l’Iran tandis que la république islamique fêtait le 30ème anniversaire de son avènement, ont fait connaître au monde entier le visage sans visage des Bassidjis, cette branche des « gardiens de la révolution », sorte de milice paramilitaire chargée par le pouvoir de réprimer toute velléité « contre-révolutionnaire ». Le film de Mehran Tamadon n’a rien du reportage, ou de l’enquête, même si le but affiché du cinéaste est simple : discuter et comprendre des gens avec lesquels il n’est simplement pas d’accord. Cela passe par non pas une, mais des mises en scène. Aussi bien engager des discussions, attraper au vol des discussions, et d’autres mises en scène (celle de la martyrologie, notamment), que créer de toutes pièces les conditions d’une prise de parole. La richesse de Bassidji tient à cette multiplicité de stratégies, qui permet à Mehran Tamadon d’esquiver en permanence les écueils d’un vieux problème de cinéma : comment filmer l’ennemi ? Pour le cinéaste, la réponse consiste à prendre les témoignages comme les émanations d’un discours global, construit, idéologique, dont son film isole les points de rupture et finalement déconstruit. Il y a dans Bassidji quelque chose comme une maïeutique appliquée à l’adversaire.
Jean-Philippe Tessé