Un groupe de jeunes se retrouvent dans une maison isolée de la civilisation pour parler, boire, fumer, peindre, faire l’amour, etc. Peu à peu, des liens se tissent avec la grande Histoire, celle de l’Argentine du XIXe siècle. Dans un esprit ludique et avec un souci plastique, le film conte une histoire déroutante, mêlant passé et présent, sentiments personnels et événements historiques.
Il faut dire qu’on est d’abord un peu perdu, au début de Todos mienten, dont le titre en forme de dénonciation semble vouloir brouiller les pistes en s’adressant à tous les personnages – tous des menteurs. Un peu perdu, mais bien accueilli tant séduit d’emblée l’aisance de la mise en scène, ses mouvements chaloupés, sa précision fluide, ses entrées et sorties de champ, et comment la parole se distribue par enchâssements, reprises, démultiplication – impression d’avoir sous les yeux un cadavre exquis, et de ressentir comme un vertige lent, aussi bien visuel qu’oral. Perdu dans les histoires, le spectateur l’est aussi dans l’histoire de l’Argentine, dont le déroulé heurté lui fait sentir combien elle conduit le jeu, en secret. Si tout cela n’est qu’un jeu dont les règles nous échappent, le deuxième film de Matías Piñeiro lui accole une virtuosité de mise en scène qui le rend étrangement évident. Quelque chose des expériences « Nouvelle Vague et après » traverse Todos Mienten, on pense aux films des années 70 de Jacques Rivette qui, presque par décret, avaient imposé leur liberté formelle comme attestation d’un secret, tapi sous le mouvement perpétuel des corps et des mots. Le cinéaste argentin reprend au vol cette proposition dans ce film déroutant où, in fine, on n’est plus tout à faire sûr que tout le monde ment.
Jean-Philippe Tessé