Dans une prison imaginaire, un homme va partir, il ne parle jamais, son comportement intrigue. Trois prisonniers en donnent une définition. C’est un Juif, un traître et un sioniste. Successivement défilent une interprétation politique – juif = espion – une explication économique – juif = cupide – auxquelles s’ajoute la dimension poétique d’un amour. Saisir le personnage dans sa globalité c’est y ajouter un quatrième regard, totalisant les précédents et les dépassant, celui de l’auteur. Cette investigation se mène dans une forme éclatée où chaque enquête correspond à une couleur et où le récit et la musique puise,t aux racines de la poésie iranienne. S’il entre dans cette geôle une part autobiographique – Ali Erfan a été emprisonné trois fois sous le règne du Shah – s’y retrouve aussi l’allégorie. Celle du silence imposé par la censure des Pahlevi et celle de la libération du verbe. Cependant, ne doit-on pas réapprendre à parler, n’est-on pas tenté par le discours slogan ? Voilà l’interrogation que pose Ali Erfan.
Jeune Cinéma, Avril/Mai 1981
Tous les trois, dit-il s’élabore à partir d’une idée fort audacieuse au demeurant par les temps qui courent en Iran : celle de la typologie d’un juif et de la multiplicité des discours qui le définissent et le nomment. Ça démarre sur les chapeaux de roue : “Espion, Juif, Israël” et ça finit sur une sombre histoire d’adultère. Entre temps, la démarche formelle du réalisateur, soucieux de renouer avec les traditions ancestrales du conte persan ou, plutôt, de rendre à ses origines et de la ré-actualiser, par un curieux effet-boomerang, une structure de récit détournée, dévoyée, par la culture occidentale, entraine la fiction dans un dédale de récits enchâssés les uns dans les autres.
Les Cahiers du Cinéma, Février 1981
