“Moi, Emilio Fernandez, je crois et je suis conscient que la naissance du cinéma a été un des évènements les plus grands pour l’être humain pour pouvoir s’exprimer ; il a été tellement grand que tout les autres arts, l’histoire, le monde, le cosmos, le macrocosme se sont inclinés pieusement devant le cinéma pour que le cinéaste à travers cette force choisisse ce dont il aurait besoin, pour qu’il réussisse dans le temps limité de la projection sur l’écran d’argent (d’une heure à deux heures) ce qu’il veut. Le cinéma a été, il est et il sera un tel ensorcellement que les gens paient pour le voir et ce qu’ils voient dans cette heure et demi ou deux, ils ne l’oublient jamais, que ce soit un enfant, un adolescent ou un adulte, et puisqu’il ne l’oubliera jamais, nous, ceux qui faisons du cinéma, nous avons une dette ; le cinéma n’est pas seulement un divertissement, il doit orienter,élever et jamais dégénérer comme cela se passe actuellement dans le monde du cinéma.”
Au début des années 40, le cinéma mexicain jouit de la faveur du public européen qui apprécie énormément les films d’Emilio Fernandez. Ce prestige est encore rehaussé par la présentation au festival de Cannes (1946) et de Locarno (1947) du film “Maria Candelara”. Mais, il ne s’agit là que d’une période exceptionnelle de l’histoire du cinéma mexicain. Ce film, réalisé en 1943, bénéficie de la situation privilégiée du cinéma mexicain, qui, en cette époque de guerre, est le seul cinéma de langue espagnole accepté par les Alliés et les Etats-Unis. Cet appui lui permet de gagner la guerre commerciale que se livrent le Mexique, l’Espagne et l’Argentine pour la conquête des marchés de langue espagnole, constitués par les pays d’Amérique Latine et les minorités mexicaines et portoricaines des Etats-Unis. Les bénéfices réalisés favorisent les investissements en équipement (studios-installations, etc…), l’apparition de nouvelles “étoiles“, ainsi qu’un accroissement de la production (de 47 films en 1942 à 70 films en 1943). C’est au cours de ces années de guerre que surgissent les artistes mexicains les plus célèbres : Maria Félix, Cantinflas, Arturo de Cordova, Pedro Armendariz, Jorge Negrete, ainsi que la fameuse Dolorès Del Rio. De nombreux artistes comme Buster Keaton, Gilbert Roland, ainsi que de nombreux artistes du cinéma espagnol et argentin viennent aussi travailler au Mexique. Des horizons immenses s’ouvrent à des producteurs comme Julio Bracho, Roberto Gavaldon et Emilio Fernandez. Ce dernier, grâce à sa popularité en Europe, dispose de moyens importants pour réaliser des films qui pendant plusieurs années ne révèleront au public européen qu’un seul aspect du Mexique, embelli encore davantage par la photographie de Gabriel Figueroa
La fin de la guerre coïncide pour ainsi dire avec le déclin de la grande période du cinéma mexicain. On assiste à l’apparition d’un cinéma vulgaire produit par un monopole de réalisateurs privilégiés et essentiellement destinés aux couches les plus déshéritées de la population. De 1950 à 1960, , la standardisation du cinéma mexicain s’accentue et l’oeuvre “Los Olvidados” de Bunuel est d’autant plus exceptionnel qu’il s’agit d’un film à part, totalement détaché du contexte artistique de l’époque. Pendant toute cette période Emilio Fernandez ne tournera qu’un seul film, “La Red“.
Au début des années 60, le panorama des activités cinématographiques est sombre. La production a diminué de moitié et la nouvelle vague des réalisateurs semble inexistante. Le motif de cette stérilité est simple : le circuit fermé des syndicats et les intérêts des monopoles empêchent toute rénovation. Un seul réalisateur, Luis Alcoriza, tourne quelques films intéressants dont “Tiburoneros” et “Tarahumara“.
Un revirement s’annonce. Une section du Syndicat de la Production Cinématographique décide d’organiser un concours de cinéma expérimental qui ouvrira un nouveau cycle. De nouveaux réalisateurs (Gurrola, Isaac, Ibanez, Michel, Laiter, Gamez, Guerrero) démontrent que leur potentiel créateur est de loin supérieur à celui des metteurs en scène conventionnels. Un autre syndicat (le STIC) produit des courts métrages qui, regroupés, , formeront des long-métrages. En l’espace de 7 ans, plus de quarante directeurs font leur apparition.
En 1982, avec le nouveau gouvernement, une nouvelle administration prend en charge le cinéma, nomme à la tête du secteur cinématographique le cinéaste Alberto Isaac, et transforme la structure administrative par la fondation de l’Institut Cinématographique.