Dans cette suite du film Ten d’Abbas Kiarostami, Mania Akbari, la comédienne principale du film conduit une nouvelle fois sa voiture en discutant avec son fils, sa sœur et d’autres personnages. Sa situation personnelle diffère pourtant car Mania soufre d’un cancer. Avec la progression de sa maladie, elle ne peut plus conduire. Elle s’assoit donc à l’arrière de la voiture et la conversation continue. Mania devient de plus en plus faible et, au contraire de Ten, la caméra de 10 + 4 doit la suivre partout où elle va. C’est donc une toute nouvelle expérience avec une cinéaste dirigée par son cancer dans son travail de réalisation.
Quatre ans ont passé depuis Ten de Kiarostami. Depuis, l’actrice principale du film a réalisé un documentaire, ainsi qu’une fiction qui a remporté le prix du festival du film numérique de Venise. Dans 10 + 4, la cinéaste réactive le dispositif cinématographique créé par Kiarostami pour traiter de la maladie, de sa maladie. Abolissant les frontières du documentaire et de la fiction, le film opère un virage philosophique en décrivant la transformation du rapport à la vie, au féminisme, au combat libertaire qui étaient les enjeux de Ten. Le cancer de la réalisatrice inaugure une nouvelle série de déplacements existentiels : l’agressivité a fait place à la tendresse, la solidarité à la solitude, le courage à l’inquiétude, la beauté scandaleuse d’un crâne de femme rasé à la défiguration causé par le traitement médical. Si 10+4 s’inscrit comme la suite du chef-d’œuvre de Kiarostami, sa réalisatrice en déborde largement le cadre pour accueillir le silence, les temps morts et le chant plutôt que le discours. Une autre manière de montrer comment la vie continue.