Sai, photographe qui réalise des repérages pour un film, se lie avec Oom, directeur de la photographie, sur le lieu d’un futur tournage. Plusieurs années plus tard, elle cherche des traces de leur rencontre sur un disque dur récalcitrant, comme si seules les photos pouvaient attester que quelque chose a eu lieu. En 36 plans fixes (comme les 36 poses de feues les pellicules photos ?), Nawapol Thamrongrattanarit interroge le souvenir à l’ère du numérique. De l’immeuble désert du début, qui est aussi un lieu de mémoires, aux plans qui laissent les personnages bord-cadre, ce récit minimaliste s’affaire autour d’un vide (les ponts sont coupés entre Sai et Oom), d’une perte (une jeune habitante du cru, morte depuis). Et pourtant il embrasse avec un sens du rythme très délicat bien plus que ce presque-rien, montrant combien pour chacun de nous, l’image risque de se substituer au ressenti. C’est notre propension à archiver machinalement les images qui est ainsi questionnée, notre manie de confondre ce qu’on a vécu et la trace qu’on en a gardée.
C. G.