À l’Ouest des rails
(Tiexi qu)

Il arrive parfois qu’un film, le geste qui le porte, atteste une historicité si irréfutable qu’il recouvre en lui-même le statut d’événement. Non point qu’À l’Ouest des rails s’avance vers nous avec la prétention d’être le manifeste de quoi que ce soit. Il rend seulement visible, à échelle humaine, l’ampleur du bouleversement historique et le travail d’un homme empoignant avec une lucidité obstinée une petite caméra amateur. Un homme seul, une mini-DV, la gigantesque cité industrielle de Shenyang et son complexe sidérurgique de Tei Xi à l’agonie, un changement d’aiguillage dans le tracé idéologique de l’Histoire jusqu’à l’extinction d’un monde : dans À l’Ouest des rails, la Chine, et avec elle son cinéma, entraient dans une nouvelle ère, s’affrontant à des défis dont l’ampleur dépasse toute concordance historique. Pour s’en souvenir, il restera ce monumental vestige de neuf heures. JB