Guohui et Peiling se sont connus enfants, puis perdus de vue, avant de vivre ensemble. As You Were se déroule au moment où leur lien se défait, de manière feutrée mais sûre. Le récit n’est pas chronologique : au début, Guohui adolescent refuse l’embrigadement d’un lycée militaire. Que nous le retrouvions plus tard en couple, puis dans un autre flash-back, écolier, ne brouille pourtant pas l’unité de ce film, assurée par des voix off d’une grande douceur. Rarement l’intime n’aura été si palpable, en une forme composite (y compris linguistiquement) d’une grande poésie. Depuis un pré situé au large de l’île principale, Guohui et Peiling ont l’habitude de venir voir les gratte-ciels de Singapour. Mais la beauté photographique et rythmique d’As You Were n’est pas décorative ; le point de vue sur les paysages, le rapport sensoriel aux lieux et aux éléments font ressentir la rupture à l’œuvre, le détachement de deux êtres malgré eux – on ne s’étonne pas qu’interrogé sur ses influences, Liao Jiekai cite Printemps tardif d’Ozu. « Imagine ce que nous serions/Si nous voyions ce que nos corps savent », chante la jeune femme que rencontre Peiling dans une troisième partie où la musicalité cède le pas à la musique.
C. G.