Dans les Philippines des années 1950, un petit garçon grandit, mais pas suffisamment selon ses parents : ceux-ci le soumettent à des étirements quotidiens et lui administrent une potion maison qu’ils tentent de commercialiser.
Pour son premier long métrage, Shireen Seno n’a pas choisi la facilité : elle a tourné en super-8 et avec des enfants de l’île de Mindoro. La brièveté d’une bobine de super-8 (deux minutes et demie) donne au récit un aspect fragmentaire qui évoque le home movie. Pourtant, jamais Big Boy ne s’inscrit dans la complaisance « rétro » d’une technologie obsolète. Seno, qui a grandi au Japon, s’inspire de souvenirs de son père, mais son souci des corps et des sensations de l’enfance, appuyé sur un travail de son non synchrone à la texture très riche, évacue toute psychologie. A mesure que se font jour les absences de certains frères et sœurs de Julio et les conditions de vie de l’après-guerre dans cette ancienne colonie américaine, les gestes du quotidien se lestent du poids d’une réflexion sur l’Histoire comme programme du récit : petit garçon trop grand pour son âge, Julio porte dans sa chair la promesse d’une virilité à l’américaine dont ses parents tirent profit avec une cruauté candide.
C.G.