Dans la région de Chongging, Li Yifan scrute durant une année la communauté paysanne du village de Longwang, caractéristique des zones rurales pauvres du sud-ouest de la Chine contemporaine. Ces Chroniques de Longwang se déroulent comme un calendrier ancien. Bien qu’il insinue sa propre trajectoire dans cette géographie physique et humaine, le film conserve une attention toute rigoureuse aux rythmes et aux gestes de la vie rurale, à ces rendez-vous que la nature fixe inflexiblement au monde paysan. Aux conditions d’existence difficiles et archaïques, l’idéologie du Parti ne semble plus offrir une réponse satisfaisante, et ce malgré la détermination de sa représentante à projeter l’édification d’une nouvelle Chine rurale socialiste. Alors par quelles nouvelles espérances ou valeurs être aujourd’hui porté afin de tenir encore bon sur une terre si peu arable ? Ce que le cinéma de Li Yifan relève avec précision ce sont les pathologies dont la Chine d’aujourd’hui peut être porteuse dans la diversité de ce qui l’agite. Il nous donne à mieux comprendre les transformations actuelles dans la dissolution des repères qu’elles provoquent, édifiant un système qui favorise le développement d’inégalités sociales dans des proportions qui nous sont inimaginables. Le cinéma en vidéo convoqué comme l’instrument de mesure privilégié de cet immense bouleversement.
Jérôme Baron