Biring, la soixantaine, travaille à Manille pour une femme devenue riche et originaire du même village qu’elle. Elle assure les basses besognes de ses activités clandestines. Maillon esseulé d’un trafic d’êtres humains dans lequel trempe à coup sûr la police corrompue, Biring, volontiers « grande gueule », semble surtout sur la défensive avec sa fille, qui réprouve ses activités. Comme Brillante Mendoza, qui est allé très loin dans la représentation détaillée des quartiers pauvres de la capitale philippine, Joel Lamangan chemine entre satire sociale, portrait et récit picaresque. D’où une conception du personnage qui ramasse toute morale : la ferveur de l’attachement-répulsion de Biring à Manille (qui atteint littéralement des sommets dans le film) n’a d’égal que ces formes de fatalisme criminel au centre desquelles elle évolue. Nora Aunor, star du cinéma philippin (elle jouait l’épouse méritante jusqu’au masochisme de Thy Thomb de Brillante Mendoza, 2012) fait preuve ici d’une capacité époustouflante à jouer les différentes actions et exactions de Biring sans se réfugier dans une interprétation victimisante. Attachée organiquement à son rôle, elle ira jusqu’à faire de Biring l’incarnation d’une Justice hautement ambivalente. La seule qui vaille dans un monde aliéné par la misère ?
C.G.