Juvenal, conducteur de trains à Belo Horizonte, flâne à ses heures perdues dans la ville comme un fantôme. D’une timidité maladive, il semble déterminé à se soustraire à toute vie sociale. Non seulement l’absence d’activités précises hors de son travail se retrouve dans le minimalisme de son appartement, mais le choix du format carré du film prolonge son isolement. Moins qu’une intrigue, les auteurs-réalisateurs organisent une collision à bas bruit entre cet homme sans qualités et Margo, sa collègue déterminée à l’aborder. D’abord écrit en contraste avec le personnage de Juvenal, le sien se révèle bientôt tout aussi solitaire, entre grilles de sudoku et surfing sur internet. Ancré dans un sens de la composition visuelle remarquable, L’Homme des foules fonctionne comme une accumulation de détails qui créent moins une psychologie qu’une atmosphère existentielle intemporelle. S’il délaisse volontiers le récit de la nouvelle d’Edgar Poe dont il s’inspire, il en convertit cinématographiquement la moelle : « Il refuse d’être seul. Il est l’homme des foules. Il serait vain de le suivre ; car je n’apprendrai rien de plus de lui ni de ses actions. »
C.G.