Au lycée d’Abidjan les élèves noirs et blancs mènent, en dehors des heures de cours, une vie exactement séparée. Dans La pyramide humaine, Jean Rouch défait, avec une évidence déconcertante et enjouée, ce qui apparaissait alors comme un ordre colonial imprescriptible et fait de son film le lieu d’une expérience et d’une histoire touchant autant à la politique qu’à la poésie, celle de l’amitié et de l’amour entre noirs et blancs et entre blancs et noirs. Rouch dédouble les regards et mobilise le cinéma vérité aux fins d’une pure fiction qui, à son tour, va affecter le réel et le destin de ses personnages. Puissance du réel et de la fiction, puissance du cinéma qui met en scène le passage de l’utopie au possible : « Mais qui vous a dit que Victor Hugo n’était pas africain ? »
Catherine Hass