Le Lion est mort ce soir
(Le Lion est mort ce soir)

Un an après La mort de Louis XIV d’Albert Serra, Nobuhiro Suwa filme Jean-Pierre Léaud interprétant un autre personnage vieillissant, celui d’un acteur que la mort observe à une distance de plus en plus rapprochée. Cependant le film de Suwa paraît prendre l’exact contrepied du film du cinéaste espagnol et exprime un autre désir de filmer l’acteur face au même miroir de la mortalité. Là où Serra donnait à voir un monarque ravagé et affaibli, Suwa continue à filmer l’acteur entre le plein jour de la vie et une zone d’ombre qui s’avance inéluctablement. Et plutôt que la fiction, ce que Jean-Pierre Léaud retrouve dans ce Jean qu’il interprète, c’est Léaud lui-même, c’est-à-dire pour nous le souvenir d’avoir été à chacune de ses apparitions au plus près de l’enfance de l’art. Alors que des gosses viennent frapper à sa porte, on ne sait plus déceler qui d’eux ou de lui fait face au(x) fantôme(s) : celui d’un vieil homme inquiétant regardant à son tour ces enfants dont il a été à lui seul la plus belle et insoumise image. À moins que ce ne soit au contraire, seulement la vie qui se poursuit, et le plaisir lumineux du cinéma de se lancer à sa conquête. Suwa sait lui, à l’évidence, que Jean-Pierre Léaud incarne la plus émouvante métaphore du cinéma. JB