1992. Dans un village kurde, l’instituteur raconte à ses élèves une histoire de corneille qui se prenait pour un paon : « Pourquoi suis-je laide, et pas belle comme vous ? » À peine a-t-on le temps d’y voir une allégorie politique que l’instituteur voit brutalement son cours interrompu par des hommes qui l’enlèvent. De cette violence, cette interruption initiale, Les Chants de ma mère gardera la trace, même si son action, après ce prologue, se déroule à Istanbul en 2013. Ali (interprété par Feyyaz Duman, vu dans My Sweet Pepper Land), est également instituteur, non moins kurde et régulièrement, la police se charge de le lui rappeler. Mais son souci premier, c’est sa mère, exilée inconsolable qui a érigé son village d’origine en paradis perdu et a pour obsession récurrente les chanteurs de dengbej dont son fils s’épuise à chercher les introuvables cassettes. « Maman, arrête de casser des noix la nuit ! ». Pris entre la complainte de sa mère et sa propre vie conjugale, Ali semble coincé dans un no man’s land entre présent et passé aussi encombré que le petit appartement de sa mère où il a de fait élu domicile.
C.G.