Le Plus Long Voyage du monde de Mohammad Moghadam
Le premier conte raconte l’histoire d’une petite chenille qui, réveillée par une goutte de rosée, entame un long voyage. Après ses mésaventures dans la campagne elle se métamorphose en papillon et peut enfin voir le monde d’en haut. Elle découvre ainsi que les obstacles qui lui paraissaient infranchissables étaient en réalité insignifiants (traitement du contraste entre la vision imaginée par la chenille et la réalité est part). Allégorie manifeste du passage de l’enfance à l’âge adulte.
La Pomme de Mozaffar Sheydaï et Ramin Sheydaï
La Pomme narre le périple d’une pomme tombée d’un arbre et qui atterit dans la main d’un paysan le jour de la récolte. Tous les animaux viennent s’en repaître avant que la graine ne donne naissance à un pommier, lui-même porteur de centaines de pommes. Mêlant pédagogie (le cycle de la nature) et morale écologique et civique (si les hommes ne se nourrissaient que de ce dont ils ont besoin, tout le monde aurait à manger).
Le Retour de Vadjiollah Fard Moghadam
Le Retour débute en hiver. Un corbeau, libre comme l’air, mais frigorifié et affamé, envie les oiseaux bien nourris qui vivent bien au chaud dans leur cage. Mais qui voudrait capturer cet affreux oiseau ? Ayant finalement goûté de la cage, il évaluera alors à sa juste valeur le prix de la liberté.
un corbeau est prêt à se faire capturer pour bénéficier du confort des oiseaux en cage.
La Vache et le Fermier, de Fatemeh Goudarzi
éloge de la solidarité, met en scène la rencontre entre un fermier et une vache solitaires qui bientôt uniront leurs forces.
LE CONTEXTE DE REALISATION DES FILMS
Les réalisateurs de ces « Contes persans » ont travaillé dans le cadre de l’Institut iranien pour le développement intellectuel des enfants et des adolescents. Cet organisme, créé en 1965 et soutenu par le cinéaste Abbas Kiarostami, se consacre à l’éducation artistique et culturelle des jeunes. Une éducation qui passe par celle du regard : couleurs, cadrages, mouvements sont tous travaillés de façon originale. Avec la bande son, ils contribuent à la transmission de jolies leçons de choses et de vie.
LES PISTES PEDAGOGIQUES
Une narration très visuelle
Les quatre films sont muets, ou plutôt sans aucune parole articulée. C’est l’image qui prime, comme bien souvent dans le cinéma iranien. On incitera donc les élèves à raconter chacune des histoires pour préciser sa trame narrative tout en signalant les éléments visuels qui aident à la compréhension.
Dans «Le Plus Long Voyage du monde», on voit une chenille parcourir un espace indéterminé. On reconnaît quelques objets et animaux, certains beaucoup plus grands qu’elle : une araignée, une coccinelle, un escargot, un bol, un ballon, un tapis. On remarquera que les objets apparaissent d’abord en gros plan, détachés de leur environnement. Puis l’espace autour
se révèle peu à peu car le champ s’élargit. Mais, on ne comprendra qu’à la fin que le monde exploré par la petite chenille est en fait la cour d’une maison.
La suite de l’histoire est plus surprenante encore : une nuit, la chenille s’enroule dans un grand cocon blanc. Au matin, elle est devenue papillon. Comment le devine-t-on ? Tout est question de point de vue. Au début du film, on voyait, avec la petite chenille, les objets très gros, encombrants, difficiles à parcourir ou à escalader. Puis brusquement, les objets sont vus d’en haut et de loin car le film adopte alors le point de vue du papillon.
Dans le deuxième film, une pomme tombe du panier d’un paysan occupé à sa récolte. Elle ne sera pas oubliée : elle servira de nourriture à un lièvre, une tortue, un écureuil, des oiseaux, des
fourmis, des vers de terre. Tout le monde sera servi. Il restera même un pépin qui, en germant, redonnera un bel arbre, des saisons plus tard.
Comment le film fait-il comprendre, en quelques minutes, les cycles de la nature et la chaîne écologique ? Dans cette histoire sans parole, les animaux se transmettent le message (« il y a une pomme bonne à manger là-bas ») par une image – de pomme – dans une bulle, comme dans une bande dessinée. Autre procédé de narration : pour montrer la transformation du pépin en arbre, les images sont accélérées comme dans certains films scientifiques. Ainsi parcourt-on plusieurs années en quelques secondes.
Dans « Le Retour », on voit un corbeau affamé et transi envier des oiseaux en cage mais bien au chaud dans les maisons de la ville. Pour se faire lui aussi dorloter, il se laisse capturer. Mais au retour du printemps, il tente de se suicider, désespéré de ne pas pouvoir rejoindre ses amis. Ici, la narration est simplifiée, portée par des plans larges avec une définition précise de l’espace : la ville et ses maisons sous la neige, des pièces luxueuses à l’intérieur des appartements, des portes et fenêtres indiquant clairement le passage entre l’extérieur et l’intérieur. De plus, le corbeau, très expressif, à la manière d’un acteur, participe aussi à la lisibilité de l’histoire.
Le dernier film est plus hermétique. Ce petit conte de six minutes montre la rencontre de deux êtres solitaires que leur soif d’amitié réunit. Là, le procédé visuel se fait plus symbolique : c’est une étoile lumineuse qui illustre ce désir de contact. On pourra d’ailleurs demander aux élèves de raconter l’histoire qu’ils ont comprise ou imaginée à partir de ce conte qui semble se dérouler dans un rêve et laisse place à plusieurs interprétations.
Des films pour apprendre à vivre
Ces « Contes persans » racontent la vie avec ses cycles et ses métamorphoses, mais ils nous parlent aussi de liberté, d’amitié et de partage. Avec « Le Plus Long Voyage » et « La Pomme », on assiste à deux poétiques leçons de sciences naturelles. On expliquera les mécanismes de transformation des larves en insectes ou des chenilles en papillons mais on insistera aussi sur la métaphore que représente cette transformation : quitter, comme le fait la petite chenille, une vision étroite et un monde limité, c’est grandir. La chenille devient papillon, se détache des objets, survole la cour de la maison comme on quitte en grandissant le monde de l’enfance devenu trop petit et trop connu. Les changements d’angles de prise de vue aident à intérioriser ce changement physique et psychologique tout en le rendant souhaitable. Le papillon voit d’en haut un monde plus intelligible et plus beau. Il s’enivre aussi de sa nouvelle liberté de mouvement. On pourrait aussi reprendre l’expression courante « prendre de la hauteur » et voir comment on peut l’appliquer à des situations de la vie courante, conflictuelles ou inhibantes.
«La Pomme » permet d’expliquer comment les plantes se reproduisent et se perpétuent, du pépin au fruit en passant par l’arbre et la fleur. Mais on fera remarquer que ce petit film communique aussi l’énergie de la vie dans son renouvellement incessant. L’animation est réalisée à partir de peinture à l’huile sur verre qui donne un effet de fluidité constante. De plus une musique très rythmée accompagne la marche rapide et entraînante des personnages. Enfin, les couleurs rouges, jaunes, orangées, donnent à l’ensemble une tonalité flamboyante et chaleureuse. On pourra également revenir sur le rôle des animaux qui découvrent la pomme. Aucun ne la garde exclusivement pour lui. Au contraire, chacun ne prend que ce dont il a besoin pour se nourrir. La pomme pourrait représenter une planète dont chacun peut tirer sa subsistance sans la détruire et en lui préservant sa capacité à se renouveler.
Le petit personnage du « Retour » est également plein de vie. Les dessins sur cellulos qui animent l’oiseau le rendent très expressif et très mobile, toujours plein d’énergie. Même si son expérience est dramatique – seul son amour de la liberté le sauve de la mort -, les réalisateurs ont donné au film une tonalité comique. On rappellera les scènes qui dénoncent le goût des apparences et des vaines richesses : quand le petit corbeau essaie de peindre ses plumes de toutes les couleurs ou lorsqu’il essaie d’imiter les perruches très fières d’elles mais ridicules dans leur cage dorée. Le film communique, par tous ces procédés, la joie de vivre sans entrave et de rester soi-même.
Les tout-petits observeront avec attention et émotion les pérégrinations et métamorphoses des multiples acteurs de la faune et de la flore (un corbeau, une pomme, une chenille, un boeuf…) au gré des quatre saisons. Quatre histoires sans paroles mais non sans résonances, empruntant parfois leurs textures, couleurs et entrelacs aux broderies d’un tapis persan.
Pour les petits, une esthétique venue d’ailleurs, et quelques bons préceptes éducatifs sur le monde dans lequel ils grandissent.
Quatre dessins animés venus d’Iran qui mettent en scène des animaux, avec plus ou moins de bonheur. Exécutés dans un style très pictural, parfois naïf, ces courts métrages animaliers restent étrangers à l’anthropomorphisme occidental.