« Pourquoi on va jamais de l’autre côté ? » La question du copain de Djaber porte sur un ruisseau qu’ils ne franchissent jamais, par habitude, mais elle livre aussi le programme d’écriture des Jours d’avant : en deux chapitres guidés par des voix off parcimonieuses, le film raconte au passé l’expérience de Djaber et Yamina, paisibles lycéens des environs d’Alger. La très prudente approche esquissée des deux « côtés » (garçon et fille) entre en collision avec la déflagration de violence qui frappe la région en 1994. « On parlait encore d’actes ciblés », se souvient Djaber. Or les mots mis sur les événements ou au contraire l’absence de mots caractérisent à la fois les premiers échanges sentimentaux des personnages et les années de plomb du pays. Scindant son scénario en deux pour dédoubler le point de vue sur le même instant t, Karim Moussaoui emboîte l’intime et le politique avec une belle justesse de regard, traduisant par exemple en quelques plans – une forêt d’antennes paraboliques, l’atmosphère idyllique du ruisseau – la douleur de quitter les lieux de l’enfance au moment précis où il faut aussi quitter l’enfance elle-même.
C. G.