À la suite de leur rencontre accidentelle dans un cimetière (l’est-elle vraiment ?), un homme et une femme développent un attachement qui oblique d’une affection sincère et contenue vers une liaison moins ordinaire. Librement inspiré de La cause secrète et Un squelette, deux nouvelles de l’immense écrivain brésilien Machado de Assis, The Rat Herb de Julio Bressane est doté de ce pouvoir qu’ont les grandes oeuvres de questionner nos ordres et nos sens, de les rendre visibles aussi. Tout d’abord, sur le mode de la description naturaliste, le motif national paraît particulièrement présent dans sa dimension historique, géographique, botanique, mythologique, délibérément clichesque, et, on s’en convainc après-coup, on ne prend ici pas les clichés à la légère. Mais le film, minutieux et artisanal dans sa procédure, semble d’emblée conduit par un courant plus souterrain, et la nature dominée par une météo qui n’est point dictée. De quelle signification énigmatique procède ce glissement du récit ? Dans le film de Julio Bressane, le mot « sens » nous rappelle à sa déroutante générosité sémantique. On pointera au passage une affinité d’esprit avec le cousin portugais Manoel de Oliveira, avec l’humour noir de certains contes fantastiques, mais en convoquant aux côtés de Machado de Assis, le peintre Gustave Courbet, un autre contemporain de la naissance de la photographie, le cinéaste brésilien affirme une impérieuse nécessité d’opérer autour du corps féminin cette distinction entre sujet et objet, qui est aussi un enjeu de l’art, à l’heure où l’image affirme un primat de la pure vision.
Jérôme Baron