Un premier temps, on peut avoir l’impression étrange d’un basculement du cinéma de Jia Zhang-ke en découvrant Mountains May Depart. Il ne nous émeut pas moins. À bien y réfléchir, le cinéaste semble placer sous un même arc le Shanxi natal des premiers films (la présence de Zhao Tao une fois encore agit comme un point de repère et un relais), une Shanghai hors-champ comme un monde étranger en pleine mutation avec laquelle on est plus connecté que par avion ou tablette, et une ville australienne, proche science-fiction, illusion accomplie et bien ordonnée du capitalisme mondialisée. Si Tao qui veut dire « vague » est aussi le prénom du personnage principal, le film déroule la sienne en trois étapes, 1999, 2014, 2025, comme s’il refaisait une partie du chemin parcouru par un cinéaste qui n’a de cesse de scruter les transformations de la Chine et leurs conséquences à des échelles tant structurelles qu’intimes. Mais rarement le cinéma de Jia Zhang-ke n’aura donné le sentiment en résumant son mouvement de s’élargir, de s’avancer vers nous à travers une ambition romanesque aussi nettement déclarée (rappelons qu’il publia un premier roman en 1991) où chaque personnage s’offre comme le miroir possible d’une grande famille chinoise mélancolique, celle d’un second grand bond vers un moderne désastre. JB