Je ne me rappelle pas à quel âge j’ai vu pour la première fois Nazareno Cruz et le loup. Je crois que j’avais autour de neuf ou dix ans. Le film est sorti en Argentine en 1975. L’histoire était réalisée d’après un feuilleton radiophonique que je n’ai pas eu l’occasion d’écouter mais qui était lui-même tiré d’une légende d’origine européenne, légende entrée dans notre culture à travers l’immigration, selon laquelle le septième enfant est un loup-garou.
Ce film n’a pas influencé La Ciénaga ni ma manière de travailler ; je l’ai choisi parce que c’était la première fois que je prenais conscience du fait que le cinéma pouvait aussi être argentin.
Nazareno Cruz m’a rappelé les histoires de ma grand-mère ou mes lectures en cachette, sa matière étant identique à celle qui composait mon monde intérieur. Sous couvert d’une nature humaine se cachait une menace animale et le Diable souffrait dans sa solitude de Diable.
Quand je pense à Lechiguana en train de prier avec l’enfant aux yeux maquillés, je ne sais pas si ce sont des images du film ou si c’est quelque chose qui m’est arrivé il y a longtemps. Le cinéma de Leonardo Favio a toujours eu cette rare qualité de rester intime.
Lucrecia Martel