C’est l’hiver au Caire. Laila est animatrice radio. Son émission, «Secrets nocturnes», est l’émission favorite de ceux qui veulent tout savoir sur les histoires d’amour des autres sans dévoiler les leurs. Youssef est médecin anesthésiste. Il aime écouter les délires de ses patients. Son père est en train de mourir d’un cancer. La nuit, Youssef travaille dans une clinique miteuse pratiquant des avortements. Laila et Youssef ne se connaissent pas. Ils se cachent tous deux derrière les secrets des autres. Depuis plusieurs années, le ciel du cinéma égyptien nous paraît bien couvert. Est-ce pour cette raison que le nouveau film de Yousri Nasrallah glisse vers l’hiver, s’enfonce dans un Caire nocturne, bruissant plus qu’audible. Tout est affaire de paroles, d’écoute et d’attention dans L’Aquarium. Qu’est-ce qui se dit ? Peut se dire ? Ne se dit pas ou seulement à demi-mot ? Qu’est-ce que la parole libère encore ou quelle perte accuse-t-elle ? Qui entend ? Qui écoute ? Un sentiment d’isolement, de compression, d’asphyxie, de faillites individuelles qu’aucun corps (social) ne semble plus apte à ressaisir Si l’empreinte documentaire des films les plus connus en France de Yousri Nasrallah (À propos des garçons, des filles et du voile, La ville) semble avoir quitté L’Aquarium, le cinéaste n’en affirme pas moins la nécessité qui le caractérise d’en découdre avec l’actualité de la société égyptienne dans ses manifestations les plus quotidiennes, ses replis les plus intérieurs aussi.
Jérôme Baron