Cherchant à regagner son amour, Ila garnit de mets savoureux la gamelle livrée à son mari le midi par les dabbawallahs de Bombay – ces porteurs de boîtes-repas qui desservent des milliers de bureaux. Une erreur de livraison sert de prétexte à cette délicieuse comédie épistolaire dont la maîtrise surprend pour un premier long métrage. L’habileté du scénario ouvrirait à un autre cinéaste les portes de la facilité du pittoresque exportable. Mais Ritesh Batra fait preuve d’une curiosité documentaire revigorante, par exemple envers l’immense open space où travaille le destinataire de la lunchbox ou le train de banlieue que prend le novice qui va lui succéder. De même que les lieux dépassent la fonction de décor, la mise en scène regorge de trouvailles qui tiennent la caricature à distance tout en maintenant une hilarante netteté de trait (le novice, interprété par Nawazuddin Siddiqui, inoubliable fumeur de marijuana de Gangs of Wasseypour dont le réalisateur a coproduit The Lunchbox). Refusant la seule efficacité narrative, Batra fait ainsi de son You’ve Got Mail à l’indienne une réflexion sur le cinéma comme art du raccord, qui décompartimente les divisions sociales, générationnelles et sexuelles.
C.G.