Reiko n’a connu son époux que quelques mois. Après sa mort dans les combats de la Seconde Guerre Mondiale, la jeune veuve est restée auprès de sa belle-famille, qui lui doit la sauvegarde de l’épicerie familiale. Dix-huit ans d’efforts accomplis avec bonheur, Reiko étant portée par une dévotion sans faille à son défunt mari. Il va sans dire que les sentiments qu’elle semble éprouver pour le jeune frère de celui-ci, Koji, n’ont pas de place dans cet ordre établi.
Une femme dans la tourmente, l’un des tous derniers films de Mikio Naruse, est un parangon de son œuvre. Organisant avec habileté la friction douloureuse entre tradition et le présent de la société japonaise, le cinéaste développe de front plusieurs thématiques qui lui sont chères. En premier lieu, celle du statut de femme et d’épouse, en posant notamment un regard attentif et bienveillant sur l’amour qui lie un homme à une femme de dix ans son aînée. L’argent, ensuite, et son manque, avec l’apparition des supermarchés qui poussent impitoyablement à la faillite les petits commerces. Sur cette toile de fond parfois sombre, Hideko Takamine a toute liberté d’interpréter les cent nuances du « désir ardent » refoulé (Yearning, titre anglais du film). Bouleversante, l’actrice fétiche de Naruse illumine le film de sa présence.
A.G.