Le film s’ouvre sur une scène de danse aveugle et macabre dans une discothèque de quartier. Les corps désincarnés, lourds et imbibés d’alcool traduisent, au son d’une musique techno vénéneuse, une violence insondable à laquelle tous les hommes ont visiblement accepté de se soumettre ; les corps se trainent, sans but. Plus loin, dans la campagne de cette banlieue de la ville minière de l’ouest bolivien, le noir profond et surréaliste étouffe une course inverse : une communauté de mineurs cherche l’un des siens disparu. Cette vision définitivement sombre d’une société sans repère est celle que porte Kiro Russo, jeune réalisateur bolivien qui signe ici son premier long-métrage, sur son pays. Son personnage principal, Elder, dont le père vient juste de décéder, ne trouvera pas davantage de répit dans la réalité des profondeurs. Ni la violence de la surface, ni celle du travail au fond des mines ne lui laissera espérer autre chose que, peut-être, revoir un jour la lumière naturelle. Malgré la colère et la révolte qui l’animent, Elder amuse ses plus vieux collègues ; mais peu importe qu’il soit moqueur ou moqué, le sort est ici le même pour tous : longer les galeries et respirer le moins difficilement possible. Très volontariste dans sa mise en scène et son élégante photographie du noir, Russo enveloppe ce théâtre souterrain dans une sublimation cruelle de la difficulté physique et du rituel ouvrier. Une manière pour son cinéma de soutenir ces hommes, mais de ne jamais en atténuer la douleur. Humaniste et froid. GM
Le producteur et le réalisateur de ce film ont bénéficié de l’expertise de l’Atelier de formation à la coproduction internationale Produire au Sud en 2013. Produire au Sud est le programme professionnel du Festival des 3 Continents.