Viola (Maria Villar) sillonne Buenos Aires pour livrer les DVD pirates du petit-commerce cinéphile de son compagnon. En chemin elle rencontre une troupe d’actrices qui répètent La Nuit des rois de Shakespeare. Matias Pineiro entrelace avec délicatesse les tergiversations amoureuses des jeunes femmes et celles des personnages de la pièce. A travers la répétition d’une unique scène, l’acuité de Twelfth Night (1602) sur les affaires de coeur est réactualisée. La reprise des mêmes dialogues avec des regards ou une intensité différents révèle des nuances d’émotion et de jeu insoupçonnées. « Je m’intéresse autant à la manière dont la voix d’un personnage de Shakespeare frappe le visage de l’interlocuteur qu’à celle dont une sonnerie de téléphone fait réagir un acteur », confie le cinéaste. Du visage voilé de l’Olivia de Shakespeare qui repousse un prétendant pour mieux séduire son messager, aux conversations au téléphone ou dans une voiture de la coursière à qui une actrice conseille de se « désautomatiser » sentimentalement, Viola parcourt avec élégance la gamme qui va de la sincérité au mensonge, de la passivité à l’action, de la réalité à l’artifice.
C. G.