Collèges et lycées : Extrait du programme thématique

« (…) Cette année, nous avons d’abord voulu soutenir un désir de nous regarder, de regarder en nous-mêmes, et de voir notre cosmopolitisme (c’est en dépit de sa prétendue complexité un fait social et culturel irréfutable) non comme un impossible ou un impensable mais comme cet horizon présent sur lesquels la mauvaise foi ou l’amnésie s’obstinent seules à jeter l’opprobre. Des problèmes ? Il y en a eu et il y en aura toujours, les mêmes souvent, dont les déterminations et les conséquences peuvent varier. Mais il nous faut moins renoncer à ceux que nous sommes que nous en saisir et voir cette fortune dépréciée par-delà nos clivages et les nombreuses contre-vérités exacerbée par l’insupportable cacophonie ambiante.

(…) La pluralité qui fonde notre identité est le produit du hasard (on ne choisit ni sa famille ni le pays où l’on naît ni notre langue maternelle), des contingences historiques (notre héritage colonial, les guerres, notre histoire industrielle, etc…), des conditions sociales d’existence, et désormais les effets d’une globalisation de l’économie mondiale accélérée dans cette ère numérique qui favorise par ailleurs une circulation sans précédent dans l’histoire de l’humanité des biens marchands, culturels et des individus. A-t-on jamais autant voyagé ? N’a-t-on jamais été aussi conscient du monde tel qu’il va pour nous en inquiéter certes, pour en être désireux tout autant ?

Les différences, on le sait, ne sont que des questions de regard, plus exactement de direction des regards. Les plus antagoniques en apparence se révèlent parfois symétriquement converger. Le réflexe identitaire et nationaliste lorgne du côté du passé (pour y fonder une théogonie fictive du pays falsifiant objectivement une part de son histoire) et se trouve, ce n’est pas une contradiction, aveuglement refléter par ce qu’elle prétend dénoncer, le repli communautariste des « étrangers » sur une tradition et des valeurs héritées et inconciliables. Envers et endroit d’une même pièce, d’une dérivation de l’identité rétractée sur des normes qui semblent communes (origine, provenance, appartenance) et ne constituent jamais des traits identitaires ultimes au détriment d’une identité élargie à l’idée du monde. Les injonctions identitaires constituent la part déterminante d’un dispositif mouvant de contrôle économique, social et politique, et soutient une logique de répartition, de division et différenciation où par exemple arabes, noirs, riment avec étrangers, banlieusards, pauvres, délinquance, voire islamisme. Or identité et sujet ne sont des concepts assimilables et figés, repliés l’un sur l’autre et confinés à la marge que dans des sociétés rétives à la mobilité et productrices de clivages. C’est bien là où nous en sommes pourtant : poussés dans l’incertitude par une succession de politiques managériales et comme désorientés. (…)  »