exploré. Ainsi, je me suis tout naturellement tourné vers le cinéma, alors qu’en fait j’exerçais la profession de dessinateur. »
Satyajit RAY
Présenter Satyajit Ray réalisateur est inutile. Des films comme Le Salon de musique, La Maison et le monde, ceux de la trilogie d’Apu, parmi d’autres, ont assis sa réputa-tion. Ray novelliste commence aussi à être connu, plusieurs de ses nouvelles ayant été notamment publiées en français. Pour enfin découvrir d’autres aspects rayens, une exposition de photographies et une photo-biographie – préfacée par Henri Cartier-Bresson et parue aux Editions Eiffel à Bruxelles – ont pour but de montrer l’éclectisme de l’Artiste au travail. Satyajit Ray écrit, dirige, réalise, mais aussi dessine. Et surprise, on le découvre derrière la caméra, au montage et même en train de composer de la musique. Nemai Ghosh, son photographe de plateau depuis 1968, se partage entre cinéma et théâtre. Il possède dans ses tiroirs plus de 100 000 photographies de Ray et de son équipe. La photo-biographie met en rapport ces portraits, dressés par quelqu’un devenu intime, avec des témoignages « Contributions » de diverses personnes, personnalités même, qui, à travers le monde, ont eu un rapport avec Ray ou son oeuvre.
Pour essayer d’appréhender les facettes de l’artiste, il faudrait retourner dans l’histoire de sa famille, de son enfance, de ses lectures. Musique, littérature, dessins n’avaient pas de secrets pour son grand-père et son père, proches de Tagore. Fils unique, Ray a perdu son père lorsqu’il avait deux ans et a vécu une enfance heureuse mais solitaire. Enfant, il allait déjà au cinéma (il avait déjà vu des Lubitsch vers l’âge de 20ans). Adolescent, il découvre ce qui va devenir une obsession : la musique classique occidentale. A un âge où les jeunes Bengalis écrivaient des poèmes, Satyajit collectionnait des disques et prenait l’étude de la musique à coeur. Enfin, ses lectures étaient fictions en anglais, Jules Verne, Conan Doyle Bref, il n’avait point conscience de ses racines bengalies. Après avoir terminé un graduate en économie à Calcutta, il décida d’aller étudier à Santiniketan, l’université de Tagore, pour répondre surtout à un souhait de sa mère. Il s’inscrivit en section peinture, sans aucun souhait de devenir peintre, mais parce qu’il était doué pour le dessin déjà dès son plus jeune âge – don certainement hérité de son père. Etudes qu’il abandonne après deux ans et demi. Mais ce passage obligé lui avait non seulement permis de retrouver une tradition indienne, mais surtout appris à regarder peinture et nature. De retour à Calcutta, Ray qui adore la ville dans toutes ses agitations et turbulences, allait enfin retrouver ses cinémas et ses rues grouillantes. Il allait travailler comme artiste dans une agence de publicité. La seconde guerre mondiale avait fait venir ses soldats étrangers et leurs films – Chaplin, Keaton mais aussi Capra, Ford, Wyler, Et la corrélation entre musique classique et cinéma allait s’affirmer auprès de lui : rythme, contraste, temps, état d’esprit Musique occidentale et non indienne, qui elle est improvisée, la structure en étant décorative et non dramatique. Il remarqua aussi que tous les pionniers du cinéma, ceux qui en ont créé le langage et la grammaire, étaient sensibles à la musique : Griffith, Abel Gance, Eisenstein; l’intérêt qu’il portait au cinéma l’amena à créer la Calcutta Film Society en 1947, mais aussi à écrire des scénarios. Pendant ce temps-là, il illustrait aussi des histoires et préparait des couvertures de livres pour une jeune maison d’édition. C’est d’ailleurs en illustrant Pather Panchali qu’il eut l’idée d’en faire un film.
Deux événements, feront basculer sa carrière de directeur artistique d’une agence de publicité vers le cinéma à temps plein : la rencontre avec Jean Renoir, venu à Calcutta pour le tournage du Fleuve (1948-50) et, un an plus tard, Le voleur de bicyclette de De Sica, qu’il voyait pour la première fois à Londres. Une révélation qui allait confirmer son désir de devenir réalisateur.
Après plusieurs films, c’est seulement en 1961 qu’il relance Sandesh, la revue pour enfants créée par son père en 1913 (magazine qui après 13 années d’existence allait être réédité en 31-32 pour quelques années et ensuite disparaître). Rédacteur en chef, Ray y écrit aussi des nouvelles qu’il illustre.
Et ainsi, ces trente dernières années, Ray a consacré et consacre son temps à ses films, à ses nouvelles, à ses dessins et à la musique qu’il compose pour ses films.
Alok b. Nandi
Bruxelles le 28.10.91