Cinéma de l’absurde :
Même pour les plus blasés, le récent scandale du Festival cinématographique de Manille a été la honte du siècle. La mauvaise lecture – à coup sûr intentionnelle – des noms des lauréats sous l’œil des caméras de télévision a choqué une nation déjà éprouvée et a mis en évidence la crise morale du pays. Cet événement a fait la une des plus grands quotidiens pendant plusieurs semaines et, bizarrement, a été le point de départ d’une discussion générale entre tous les secteurs de la société, y compris les plus irréconciliables. Cet épisode récent démontre l’importante popularité de la culture du showbiz avec ses stars de cinéma et sa publicité grossière qui a tranquillement et insidieusement transformé la vision du monde d’une nation et qui est maintenant en train de transformer les institutions nationales les plus respectées, que ce soit les médias ou la politique. Si le retentissement médiatique d’un incident apparemment anodin et sa transformation en hystérie des cinéphiles sont devenus démesurés, c’est simplement que le public considère maintenant le show-biz avec autant de sérieux, sinon avec davantage de sérieux, que la politique et la culture. Jamais dans l’histoire des Philippines le show-biz n’a eu une si grande influence. Jamais dans l’histoire des Philippines la politique, la culture et le show-biz ne se sont interpénétrés au point de devenir, comme aujourd’hui, inséparables.
Cinéma et politique
La surprise de l’après-Marcos est la place croissante prise par des personnalités du cinéma dans la vie politique. Aux élections de 1987 et de 1992, un nombre important de gens du spectacle ont postulé pour des responsabilités publiques et ont été élus. Actuellement le monde du spectacle compte dans ses rangs trois sénateurs. Le monde du spectacle comprend également un nombre important de députés, de vice-gouverneurs, de maires, d’adjoints aux maires et de conseillers municipaux. L’actuel vice-président des Philippines n’est autre que Joseph Estrada, une super star des films d’action des années 60, à présent à la tête du Centre Philippin d’Action contre le Crime (P.A.C.C.). Il était d’usage que les gens du cinéma ne servent qu’à agrémenter les campagnes électorales, ne soient que des amuseurs dont les services étaient grassement payés. Mais tout ceci a changé avec Cory Aquino. Avec le retour de la démocratie et des élections libres, les gens de cinéma ont pris conscience qu’ils ont plus de crédibilité et d’influence que n’importe quel homme politique. Maintenant, au lieu d’être des auxiliaires dans les campagnes politiques, ils en sont devenus les acteurs principaux, au grand dam du néophyte qui se lance dans l’arène politique sans être au préalable connu du public. Le succès facile des stars de cinéma au détriment de politiciens traditionnels est à présent l’objet de discussions passionnées. Quelques journalistes attribuent ce succès à une simple avance médiatique, c’est-à-dire que si un homme a été vu suffisamment souvent à la télévision ou au cinéma, on est sûr que la peuple va, sans réfléchir davantage, voter pour lui. Cette théorie a amené les parlementaires à déposer plusieurs projets de lois destinées à contrer la percée politique des personnalités du spectacle. L’une de ces lois cherche à empêcher, quoique ce soit inconstitutionnel, les stars de cinéma d’entrer dans la vie politique. Une autre cherche à réviser l’article de la Constitution qui interdit aux hommes politiques de payer leur passage à la télévision. Ces lois – selon ceux qui les proposent – supprimeraient le déséquilibre dû à l’immense prestige des stars de cinéma et amèneraient une certaine égalité dans l’utilisation des médias.
Le cinéma philippin, miroir des Philippines
Mais est-ce simplement le déséquilibre dans le temps d’antenne ou de passage sur le grand écran qui explique les performances spectaculaires des stars de cinéma aux élections ? Est-ce simplement la présence continuelle dans les médias qui engendre la popularité, en dépit du caractère vide et insipide des émissions ? Y a-t-il d’autres éléments qui contribuent à la réussite d’une star de l’écran ? Dans un colloque sur le cinéma qui se tenait il y a peu de temps à Canberra, une question voisine fut posée aux participants. On se demande pourquoi le cinéma philippin, en dépit de sa production abondante, s’exporte si mal. Après réflexion, les participants aboutissent à la réponse suivante : parce que le cinéma philippin n’est le miroir que des Philippines. Contrairement au cinéma de HongKong qui s’exporte dans le monde entier, les films philippins semblent destinés à être vus uniquement à l’intérieur des frontières nationales et dans les communautés philippines à l’étranger. Le problème ne peut être attribué au refus des producteurs de faire les dépenses nécessaires. En fait, il n’y a pas de carence en ce qui concerne les investissements financiers et le savoir faire technologique. Les années passées, beaucoup de producteurs ont essayé de pénétrer dans le marché mondial et ont dépensé des fortunes dans des films d’action prétendument internationaux. Un producteur alla jusqu’à sacrifier huit Toyota toutes neuves uniquement pour parfaire le réalisme de son film. Mais une implantation dans le marché mondial semble hors d’atteinte aujourd’hui encore. Un grand nombre de ces films de série B se sont avérés de lamentables échecs en deçà et au-delà des frontières. Ces films sont considérés comme insipides par les Philippins et trop philippins selon les standards internationaux. Ne voulant pas perdre les bénéfices lucratifs du marché intérieur, les producteurs, trop souvent, essaient de concilier les goûts des deux publics, intérieur et extérieur, et aboutissent à un résultat qui ne plaît à aucun des deux. En vérité, le cinéma philippin est très profondément enraciné. Il est si fortement lié aux idiosyncrasies d’un public de masse (c’est-à-dire 70 % de la population) qu’il parle son propre langage. Il a sa propre philosophie et sa propre logique. Le cinéma philippin a été confisqué par les classes populaires dont la tournure d’esprit particulière a été superbement ignorée par les gens sortis de l’Université. Depuis des dizaines d’années, il a servi de véhicule à l’expression des aspirations profondes des humiliés, des économiquement faibles, des gens simples. Dans la plupart des films philippins, les stéréotypes abondent, stéréotypes auxquels seules les masses philippines peuvent s’identifier. La femme martyre, la mère douloureuse, le héros qui donne sa vie pour les autres : voilà quels sont les personnages populaires du cinéma national. L’opprimé est le héros favori : celui qui a le cœur pur, le doux, le naïf qui se contente de son modeste sort mais qui se transforme en une force furieuse quand les gens qu’il aime lui sont enlevés. Il pouvait aussi être le champion des masses populaires comme le personnage de Joseph Estrada qui lutte à mains nues contre la corruption des institutions sociales. Mais, tandis qu’on peut soutenir que les opprimés sont des stéréotypes universels, la mise en œuvre est typiquement philippine. Le héros est habituellement quelqu’un qui est mis K.O. au début du film et qui n’oppose aucune résistance à ses adversaires. C’est seulement quand sa femme et ses enfants sont menacés qu’il a recours aux ripostes d’un champion de boxe poids-lourd ou aux acrobaties d’un maître de Kung-fu. L’altruisme du saint est une particularité des héros du cinéma philippin. Même dans les emprunts culturels, la personnalité philippine est encore marquée. Par exemple, si Superman, Batman ou James Bond devaient être adaptés pour les écrans philippins, un personnage de mère devrait être ajouté. Si l’on en croit les films de notre pays, le mâle philippin fait une fixation sur sa mère. Juste avant un moment de crise violente, le héros harcelé de toutes parts se tourne vers sa mère pour lui demander secours et bons conseils. Ceci peut être considéré comme un signe de lâcheté en dehors de notre pays mais cela touche le cœur du public philippin. Dans le cinéma philippin, alors que les personnages portent des vêtements occidentaux, la psychologie est manifestement philippine. De toute évidence, ces caractéristiques de notre cinéma ne s’exportent pas facilement. Celles-ci sont même considérées comme offensantes par les cultures qui valorisent le machisme et la violence. C’est aussi pourquoi les films philippins grand-public n’intéressent pas les milieux cultivés qui tournent le dos à ce qu’ils considèrent comme une arriération tiers-mondiste et regardent vers Hollywood pour la concrétisation de leurs fantasmes. Le cinéma philippin et Hollywood : Peut-être est-ce cette aptitude à toucher l’âme philippine qui a permis au cinéma philippin de régner en maître sur son territoire. A une époque où plusieurs cinémas nationaux sont dans un état critique dû à la dure compétition hollywoodienne, le cinéma philippin est en pleine santé et est un des rares cinémas nationaux à pouvoir concurrencer Hollywood sans un système de quotas. A présent les Philippines ont une production annuelle régulière de 120 films (la moyenne pour les trois dernières années). Il occupe actuellement le troisième rang pour la production de films dans le monde, distancé seulement par les Etats-Unis et l’Inde.
La distribution :
Les Philippines sont aussi le seul pays dans le monde où de gigantesques salles de cinéma sont encore construites. Aujourd’hui il y a plus de 173 salles dans le centre de Manille, chacune avec une possibilité d’accueil de 800 à 2000 spectateurs. Contrairement aux tendances mondiales, il y a encore plus de salles en projet, en particulier dans les zones périphériques, dans la mesure où ces salles sont considérées comme des éléments centraux des futures zones suburbaines. Cependant, paradoxalement, en dépit d’un si grand nombre de salles, il n’y a pas un éventail considérable dans le choix des films (pour un jour donné). Au cours des années, les distributeurs ont peaufiné leur stratégie pour coller à l’âme versatile des Philippins. Ils ont compris que pour optimiser les profits, ils ne pouvaient pas sortir plus de 7 à 10 nouveaux films chaque semaine. Parmi ceux-ci, 3 sur 4 sont habituellement des films philippins, le reste étant constitué de films étrangers (Hollywood, Kung-fu, séries B). Actuellement, il y a deux groupements de salles : la « Greater Manila Theater Association » (G.M.T.A.) et la « MétroManila Theater Association » (M.M.T.A.). Ces deux associations pratiquent ce qui est connu comme la saturation, c’est-à-dire la sortie simultanée d’un film dans 40 à 90 salles. Pour ne pas accumuler d’arriérés dans les réserves, un film n’est donné qu’une semaine pour prouver sa valeur commerciale. S’il marche bien, il est projeté encore une semaine supplémentaire dans des salles minuscules. On ne fait que 18 copies d’un même film philippin (quelques fois 25 copies sont faites si le film est considéré comme un succès possible). De façon à fournir les 40 salles ou plus où il est projeté, les copies sont transportées à bicyclette aux salles voisines selon un minutage précis.
Racolage publicitaire
A cause de ces pratiques de distribution, il y a une terrible urgence à ce que les films aient un succès immédiat dès la première semaine. Les producteurs dépensent au moins un quart de leur budget pour la publicité dans les journaux et des spots télévisés. Mais la plupart des producteurs savent que cela ne suffit pas pour inciter le public à se présenter dans les salles de cinéma dès la sortie du film. Depuis 20 ans environ, producteurs et publicitaires ont misé sur le racolage publicitaire pour attirer les foules dans les cinémas le jour de la sortie du film. Le racolage est probablement l’invention la plus vulgaire des publicitaires philippins. Cela peut aller de l’ignoble à l’injurieux. Aucune personne humaine n’est sacrée, même pas les producteurs, si cela doit remplir le tiroir-caisse. Un exemple classique est la façon dont une star de cinéma a été traitée dans un talk-show. On lui posa des questions très personnelles au sujet de sa naissance illégitime – qu’elle nia absolument – . A ce moment, l’interviewer fait venir son père réel, ce qui provoque chez la star une commotion nerveuse, tout cela sous l’œil des caméras. La scène bien sûr repasse plusieurs fois à la télévision et la star attaque l’interviewer en justice. Quelques semaines plus tard, un producteur entreprenant annonce qu’il est sur le point de tourner un film sur ce sujet, film qui s’intitulera, vous l’avez deviné, La bâtarde (malheureusement, le film fut mis au placard parce que la censure désapprouva le titre !). Les plus vulnérables devant cette exploitation sans scrupule sont les super-stars, spécialement au moment de l’échec de leurs mariages. Parce que les fans sont si friands des moindres détails, les super-stars sont payées généreusement pour rejouer les événements qui ont conduit à la rupture. Les moments les plus intimes sont filmés, voire même avec quelque piment supplémentaire. La tierce personne apparaît aussi dans le film et peut donner aussi son point de vue…
Le cinéma et la justice
Au moins le cinéma philippin a-t-il accompli l’exploit de confondre réalité et fiction. Etant donnée la compétition des autres médias, les producteurs doivent trouver d’autres formules qui feront dresser les cheveux sur la tête des spectateurs. Habituellement ce qui marche, c’est ce qui est urgent et immédiat ; et les fabricants de films à la recherche d’une histoire sautent sur chaque occasion. Voici un rapport sur un nouvel hybride baptisé « films subjudice » (films sur des affaires en instance de jugement) : freinés par une censure rigoureuse, les producteurs de films ont toujours envié la liberté de la presse à sensation. Toujours à un cheveu de la diffamation, la presse à scandale philippine pimente les nouvelles, en particulier les histoires de crime, avec des insinuations, des demi-vérités, des accusations hystériques et des prises de position politique.
« Peut-être nos producteurs peu scrupuleux n’ont ils pas pu résister à la tentation lorsque l’an dernier la presse fut envahie par une avalanche de gros titres évoquant les crimes les plus crapuleux : il fallait trouver une façon de tourner la loi. « Faisant preuve d’une aptitude étonnante à trouver des échappatoires légaux, Carlo Caparas produisit et dirigea Le massacre de Vizconde sur le meurtre inexpliqué d’une mère et de ses deux filles. Le film présentait différentes versions du crime mais centrait l’intérêt principalement sur les racontars du voisinage qui accusaient le fils d’un sénateur. L’accusé est maintenant hors de cause avec un alibi solide mais sa réputation a été irrémédiablement atteinte. « Le film a été initialement interdit par un arrêt du tribunal car le cas était encore en instance de jugement. Mais le délai – et l’évocation par la presse de cette censure inadmissible – servit seulement à faire saliver les spectateurs. Quand le film sortit finalement, il devint le succès de l’année et restaura la carrière fléchissante de l’actrice Kris Aquino, fille de Cory Aquino. « Maintenant que cette nouvelle formule a été découverte par le box-office, elle a suscité des imitations. La même équipe produisit Myrma Diones sur l’exécution sommaire par la police de jeunes filles soupçonnées de vol à l’étalage, mais cette fois-ci il n’y eut pas de problème judiciaire étant donné que les coupables avaient été condamnés. Le film fit scandale également dans la mesure où il mettait en cause principalement Manuel Morato, l’ancien chef controversé de la censure, candidat malheureux aux élections sénatoriales. « Mais le genre atteignit le comble de l’absurde quand deux compagnies cinématographiques se trouvèrent en compétition pour filmer le crime passionnel le plus violent de ces dernières années : un cadre américain coupa littéralement sa petite amie en morceaux quand elle décida de le quitter. Le cas, une fois encore, était en cours de jugement, mais deux versions parallèles furent projetées dans les cinémas, l’une basée sur le point de vue de la mère de la victime, l’autre sur celui de son ex-mari. Les deux films sortirent en même temps et suscitèrent des comparaisons fort intéressantes pour ne pas dire fascinantes ! Une cour de justice interdit les deux films mais seulement après que les records du box-office eurent été battus. »
Le festival de Manille
La fête du cinéma de Manille fut créée en 1966 par un décret de l’ancien président Ferdinand Marcos, à l’origine pour aider l’industrie cinématographique locale à combattre la domination des films étrangers. L’actuel Festival de Manille est la reprise à une plus grande échelle de cette manifestation antérieure supprimée en 1975 et ressuscitée en 1991. Il inclut à présent les salles de banlieues et, au lieu de se dérouler en juin, il se place maintenant à la période de Noël considérée comme plus lucrative. En 1966, quand la fête du cinéma philippin fut créée, elle eut du mal à trouver des salles disponibles : les salles de Manille programmaient exclusivement des films hollywoodiens. La mairie passa une ordonnance visant à réserver un certain nombre de semaines à la programmation de films philippins. L’idée du Festival surgit ainsi, tirant avantage de ces créneaux à présent disponibles, créant quelque tapage publicitaire et, grâce à l’institution de récompenses promouvant l’émergence de films de qualité. Cela était lié également aux ambitions politiques du maire de la ville qui pensait ainsi gagner la faveur – et les votes – d’un public de cinéma de plus en plus nombreux. Maintenant, 20 ans plus tard, le projet du Festival s’est trouvé largement couronné de succès. Si le cinéma national philippin bat à présent Hollywood au box-office, c’est en grande partie grâce à ce battage médiatique annuel. On doit aussi être reconnaissant au Festival de Manille d’avoir fait connaître à certains des films philippins importants tels que ceux qu’ont dirigés Lino Brocka, Mike de Léon, Ishmael Bernal et Eddie Romero. En prime, depuis l’an dernier, des courts métrages de jeunes cinéastes talentueux ont été ajoutés à la sélection. Mais maintenant, il y a de nombreux sujets de plaintes. Si l’administration de Marcos avait veillé à ce que les films de qualité aient la priorité, les gouvernements de Cory Aquino et de Ramos ont laissé le Festival en grande partie aux mains de la municipalité qui, en accord avec les directeurs de salles, s’arrangent pour que le critère commercial soit principalement pris en compte. En vue d’attirer le plus grand nombre de spectateurs par film, le nombre de films en compétition a été réduit de 10 à 6. Les 6 films sont projetés dans 30 ou 40 salles chacun. Maintenant que le Festival se révèle éminemment commercial, il y a concurrence entre de nombreux producteurs pour faire partie de la sélection. En fait, l’année passée, il y a eu beaucoup de magouilles politiques, beaucoup de bruit dans les médias, au point que les organisateurs du Festival furent forcés de comptabiliser les votes de son comité de sélection en présence des candidats. Cependant il y a eu des plaintes, spécialement de la part de producteurs indépendants qui ne parvinrent pas à pénétrer le cercle des 6 élus. Misant sur l’exigence du Festival en matière de qualité, ces producteurs font de bons films sans acteurs à grand succès ou sans scénarios à succès populaire garanti, films qui ne peuvent être programmés que dans le cadre du Festival. Cependant, ils estiment qu’ils ont été techniquement éliminés parce que leurs films ne sont pas susceptibles d’attirer les foules.
Censure
Il est tout à fait paradoxal que la censure se renforce, alors que du temps de Marcos, elle a été victorieusement combattue. L’ancien président Marcos avait créé par décret un comité de classification au lieu d’un comité de censure, comité dont au moins la moitié des membres était choisie parmi les industriels du cinéma. Mais les censeurs de l’après-Marcos choisissent actuellement d’ignorer ces dispositions légales et agissent au nom de règles de morale très étroites. Le comité de censure actuel est indûment sévère, sinon carrément moralisateur, dans ses applications de la censure. Beaucoup de ses membres viennent d’organisations religieuses, certains avec une orientation fondamentaliste, et voudraient imposer une moralité de type victorien. Cependant la situation s’était améliorée lors du tapage médiatique fait autour de La liste de Schindler, quand le gouvernement fut en butte à la désapprobation internationale à la suite de la suppression dans le film de quelques scènes de nus. Un décret fut passé pour rendre entièrement effectif les différents articles du décret de Marcos et pour transformer le comité de censure en simple comité de classification des films. Mais cela se révèle être de la simple chirurgie esthétique. Tandis qu’il y a maintenant du laxisme – avec des films tels que le La Leçon de piano qui a été montré sans coupure et Like Water for Chocolate à qui on a autorisé plus d’exposition épidermique – la responsabilité de la censure est maintenant aux mains du producteur qui doit couper son film pour se conformer aux normes de la classification. Afin d’éviter un « R » ou un « X », les producteurs doivent se résoudre à épurer leurs films selon les suggestions des censeurs, je veux dire en fait les « classificateurs ». Mais la faute revient aussi au caractère pusillanime de l’industrie du cinéma qui n’a pas réussi à contester la barbarie des censeurs. Personne n’a remplacé Lino Brocka, le réalisateur passionné et charismatique, qui ralliait les énergies contre les anciens comités de censure. En dépit des clauses de la Constitution qui proclament la liberté d’expression, personne n’a osé braver le pouvoir des censeurs. Pour le moment, les leaders de l’industrie cinématographique ont choisi de faire les yeux doux aux officiels du gouvernement pour obtenir une réduction des taxes trop lourdes et autres mesures nécessaires.
Le futur
Très récemment, le gouvernement a remis en activité la Fondation pour le développement du cinéma philippin. Au point où nous en sommes, il est encore trop tôt pour savoir si les activités de cette fondation auront quelque effet sur la production nationale.
La Vie imite l’art
Nous pensons que le scandale du Festival du Film de Manille était la conclusion logique d’un drame latent. Tandis que les gens sensés considèrent l’incident comme une scène tirée d’une pièce de Ionesco, l’attention exagérée portée par le public à ce petit drame lui confère le statut d’un événement national et réaffirme le pouvoir hypnotique du cinéma et son empire sur ceux qui lui vouent un culte.
Agustin SOTTO