En 1984, le Festival des 3 Continents organisait pour la première fois hors de l’Indonésie, une rétrospective consacrée à la cinématographie de ce pays.
Le cinéma indonésien, comme l’Indonésie d’ailleurs, a une histoire pleine de péripéties. Contrairement à ce qui fut le cas pour l’Inde, la Chine ou le Japon, le cinéma a commencé tard dans les Indes néerlandaises. Entre 1926 et 1950, il y a certes beaucoup de films tournés mais ils ne le sont jamais par des Indonésiens : ce sont des Hollandais et surtout des Chinois qui sont à l’origine de ces films. Rêve, divertissement, « jungle films » des années quarante, opéras malais, histoires orientales… Malheureusement, il ne reste pratiquement plus rien de ces films et faire aujourd’hui une étude sérieuse et approfondie de ce cinéma est quasiment impossible. Malgré tout, et grâce aux efforts importants entrepris par le cinéaste Misbach Yusa Biran, Directeur de la Cinémathèque indonésienne, il est tout à fait possible, si on accepte de faire commencer l’histoire du cinéma indonésien à partir du début des années cinquante, d’avoir un regard très large et une approche passionnante sur les quarante-cinq dernières années du cinéma indonésien.
C’était d’ailleurs à partir de cette date qu’en 1984 nous avions fait commencer notre rétrospective. Trois périodes jalonnaient cette rétrospective. La première, allant de 1950 à 1965 – peut-être l’âge d’or du cinéma indonésien-, permettait de découvrir un très grand cinéaste, Usmar Ismaïl mais aussi Djadug Djajakusuma et Wahyu Sihombing. La deuxième, correspondant aux années soixante-dix, était marquée principalement par deux cinéastes talentueux, Teguh Kaiya et Wim Umboh. La troisième, dont le point de départ se situe au tout début des années quatre-vingts révéla surtout un excellent cinéaste, Slamet Rahardjo dont le premier film Rembulan Dan Matahari (La lune et le soleil), présenté à Nantes en 1980, fut une très bonne découverte, mais aussi Ismail Soebardjo, Sjuman Djaya, Chaerul Umam, Eros Djarot
Pourquoi onze ans après avons-nous décidé de réserver une des sections du festival à « un nouveau regard sur le cinéma indonésien » ? Deux raisons essentielles nous sont
apparues. La première est de présenter certains films que nous n’avions pu montrer en 1984, tel que Tamu Agung (L’invité d’honneur) réalisé en 1955 par Usmar Ismail ; la
seconde, de souligner que la création cinématographique en Indonésie ne s’est pas, comme dans certains pays, arrêtée. Elle continue, même si on doit reconnaitre qu’elle s’est tout de même réduite, d’ailleurs plus par faute de moyens que par manque de cinéastes. Le début des années quatre-vingt-dix a vu l’émergence de deux nouveaux cinéastes : Garin Nugroho, présent à Nantes l’année dernière et Nano Riantarno qui sont d’ores et déjà les représentants d’une quatrième période qui s’annonce aussi riche que les précédentes.
La rétrospective 95 sera évidemment davantage consacrée à des films récents puisque sur douze films projetés dix ont été réalisés après 1984.
Alain Jalladeau
L’invité d’honneur (Tamu agung) – Usmar ISMAIL – 1955
La mendiante et l’homme au pousse-pousse (Pengemis dans tukang becak) – Wim UMBOH – 1978
Cailloux tranchants (Kerikil-Kerikil tajam) – Sjuman DJAYA – 1984
Attrape-moi et tu seras pris (Kejarlah daku, kau ku tangkap) – Chaerul UMAM – 1985
Mère (Ibunda) – Teguh KARYA – 1986
Tjoet Nja’Dhien – Eros DJAROT – 1988
Le palais de la beauté (Istana Kecantikan) – Wahhhyu SIHOMBING – 1988
Le ciel est mon toit (Langitku Rumahku) – Slamet RAHARDJO – 1990
L’amour dans une tartine de pain (Cinta dalam sepotong roti) – Garin NUGROHO – 1991