Los dos Pedros
Je regarde les deux Armendáriz qui se regardent dans le temps de l’absence. Parfois, le père Pedro, lève son regard orgueilleux, défiant, sauvage dans certaines occasions. C’est le regard du guerillero, du révolutionnaire, du conquérant. Alors le fils Pedro baisse le sien. Il devient l’homme physiquement fort et au regard bas, vaincu par l’échec ou la trahison de tout ce que le père a vaincu et a forgé, fusil en main. L’Armendáriz moderne est parfois une critique de tout ce dont l’Armendáriz ancien désira et rêva. Le fils incarne la trahison à l’héroïsme du père. Il s’agit de deux Mexique, pour deux Armendáriz. Celui d’hier et celui d’aujourd’hui.
Dans d’autres occasions, c’est Pedro, le père qui baisse le regard et accepte l’injustice et la souffrance comme le rosier qui se plie pour ne pas casser. C’est le marié sans fortune de « Maclovia » et de « Maria Candelaria ». l’Indien sans autre richesse que sa dignité. Alors en son nom, Pedro le fils, lève son regard, monte le cheval sans cavalier de son père et recommence la lutte sans fin pour la terre et le pain au Mexique.
Il y a une zone ambiguë – Distinto amanecer- dans laquelle Père et Fils, Pedro et Pedro, se regardent face à face. C’est une zone urbaine, un fronton peut-être, un cabaret ou une rue solitaire de Mexico où les deux hommes, les deux Armendáriz, Pedro et Pedro, vont à la rencontre l’un de l’autre, en transformant l’absence en présence, réunissant toutes les époques du Mexique dans le XXème siècle, qu’un Pedro inaugure et l’autre referme; père et fils nous offrant et s’offrant le regard de tout ce que nous fûmes et de tout ce que nous sommes. Le père et le fils fraternels par le regard qu’ils nous offrent, qu’ils s’offrent depuis l’écran. Ils incarnent la belle, l’intime, la génésique, l’émouvante vérité du poète Wordsworth : « Le fils est le père de l’homme ».
Carlos Fuentes