La plupart des chercheurs et des critiques s’accorde à dire que la véritable histoire du cinéma marocain a débuté avec la production du film Wechma de Hamid Bennani en 1970. Les films produits avant cette date ne sont que des copies marocanisées de mélodrames égyptiens. Wechma est à l’origine d’un nouveau courant cinématographique. Ce courant appelé « modernité cinématographique » se base sur les principes suivants :
1. le cinéma est un moyen de changer la réalité et non pas seulement de l’expliquer ;
2.le cinéma est un art, une pensée et une culture et non pas un simple moyen de divertissement ;
3. le cinéma est une langue et une nouvelle écriture basée sur les signes et usant de l’espace et des lieux selon une esthétique nouvelle ;
4. il privilégie l’individu au sein de la société et tente de le libérer de ses superstitions, de ses tabous et de l’autorité répressive ;
5. le cinéaste est un artiste, un intellectuel, témoin de la période politique et historique dans laquelle il vit.
Le respect et l’application de ces principes, d’une manière consciente et inconsciente, ont permis à certains films de rester dans nos mémoires grâce à leurs qualités artistiques : Mille et une mains de Souheil Ben Barka, El Chergui de Moumen Smihi, Des jours et des jours d’Ahmed El Maanouni, Le mirage de Hamed Bouani, Les poupées de roseau de Jillali Ferhati, Le coiffeur du quartier des pauvres de Mohamed Reggab, Badis de Mohamed Abderhamane Tazi, Le cheval de vent de Daoud Aoulad-Syad.
Ces films ont été, pour la plupart d’entre eux, produits dans les années 1970 et au début des années 1980 avant que l’Etat ne finance la production cinématographique marocaine. Ces réalisateurs ont été leur propre producteur, investissant leur argent personnel et prenant ainsi des risques pour que leur film voie le jour. La philosophie du cinéma d’auteur a permis à certains réalisateurs marocains de ne pas tomber dans le piège du cinéma populiste. Signalons, à la fin de ce bref aperçu, que l’Etat a fait de grands efforts pour soutenir la production cinématographique qui est ainsi passée de 1 à 2 films par an (années 1970 et début des années 1980) à 12 films par an à la fin des années 1980 et dans les années 1990. Cependant, la problématique actuelle est que les principes énumérés précédemment ne sont plus pris en compte par les producteurs qui cherchent des recettes rapides pour satisfaire la demande locale. Ceci est une des causes de la disparition de films aux qualités artistiques et esthétiques, qui malgré ces conditions restent présents dans nos mémoires comme le sont Wechma et Mille et une mains. C’est la question qui se pose aux cinéastes d’aujourd’hui qui, grâce à leurs courts métrages, ont su donner un nouveau souffle au cinéma marocain qui commence à s’imposer sur le plan national et international.
Hamadi Gueroum