La famille Bracho est devenue une icône de la cinématographie mexicaine. Originaires de Durango, trois des frères et sœurs Bracho, Guadalupe, Julio et Jésus, nés autour début du XXe siècle, vont se consacrer au cinéma. Des années plus tard, deux descendants de Julio, sa fille Diana et son petit-fils Julio, continuent la légende cinématographique. Dès son plus jeune âge, Guadalupe Bracho a appris à confectionner des chapeaux et a travaillé à Londres au magasin La Ciudad. Vers 1927, elle monte son propre magasin appelé Casa Andrea. Par son métier, ayant fréquenté le milieu du théâtre, Guadalupe, qui aimait l’interprétation, a pu débuter comme comédienne au théâtre Arbeu dans la pièce Maya, en remplacement de la comédienne Isabela Corona. Par la suite, son expérience comme modiste l’amène à réaliser des modèles exclusifs pour la diva de Hollywood Marlène Dietrich. A partir de là, Guadalupe poursuit sa carrière artistique et devient, grâce à son début dans le film La Mujer del puerto (La Femme du port), la première diva du cinéma mexicain : Andréa Palma.
Les deux petits frères de Andréa, Julio et Jésus Bracho se sont distingués respectivement comme réalisateur et comme décorateur. Dans son travail, Jésus a suivi l’enseignement de Manuel Fontanals, le décorateur le plus réputé du Mexique. Parmi les films dont la décoration a été conçue par Jésus Bracho, on compte Dona Bárbara de Fernando de Fuentes, Tiburoneros (Pêcheurs de requins) et Tlayucan, les deux de Luis Alcoriza, El ángel exterminador (L’Ange exterminateur) et Ensayo de un crimen (La Vie criminelle d’Archibald de La Cruz) de Luis Buñuel, et Cantaclaro, La cobarde, Historia de un corazón, Inmaculada, Llévame en tus brazos, Maria la voz, La mujer de todos (La Femme de tous), Mujeres que trabajan, Paraíso robado, Rosenda, San Felipe de Jésus et La sombra del caudillo, films réalisés par son frère Julio Bracho, qui a révolutionné le théâtre au Mexique dans les années trente et qui a été l’un des réalisateurs les plus prestigieux de l’âge d’or du cinéma national. Ses films se caractérisent par leurs qualités esthétiques, par les gros-plans de stars, et portent toujours sa touche personnelle qui peut être la présence de trains – Distinto amanecer (Aube différente), Rosenda, Rostros olvidados, Paraíso robado – la corruption des syndicats – Distinto amanecer (Aube différente), Llévame en tus brazos, Espejismo de la ciudad – ou la présence de différents genres de musique, car Julio Bracho était un mélomane.
La fille de Julio, Diana Bracho, après avoir suivi des études de philosophie et lettres à New York, décide de tenter sa chance comme actrice. En 1973, alors qu’elle participe à un atelier d’interprétation avec José Luis Ibánez, Diana est appelée par le cinéaste Arturo Ripstein pour participer à son film El castillo de la pureza (Le château de la pureté). Depuis, elle continue à jouer dans des films sous la direction des plus prestigieux réalisateurs des années 70, comme El Santo Oficio (L’Inquisition), de Ripstein également, El cumpleanos del perro de Jaime Humberto Hermosillo, Actas de Marusia de Miguel Littin et Las Poquianchis de Felipe Cazals, parmi beaucoup d’autres, devenant ainsi l’un des visages les plus côtés du cinéma de ces années. Plus tard, Diana Bracho deviendra la première comédienne du théâtre mexicain, actuellement présidente, pour deux mandats consécutifs, l’Académie mexicaine de Sciences et Arts cinématographiques.
Récemment, le neveu de Diana, Julio, fils de son frère Jorge, s’est tourné lui aussi vers l’interprétation, ayant participé de façon remarquable à des films comme ¿De qué lado estas? de Eva López Sánchez et Zapata de Alfonso Arau, et à plusieurs courts métrages, assurant ainsi la continuité de la dynastie Bracho.
Jésus Ibarra
Traduction de l’espagnol par Inès Introcaso
On a souvent dit que le cinéma était une affaire de famille. Tout a peut-être commencé avec les frères Lumière. Le couple » cinématographique » participe d’une certaine logique, une rencontre possible » avec plus, si affinités » : les réalisateurs et les actrices le plus souvent, mais parfois, aussi courant, le couple réalisateur-réalisatrice. La filiation relève sans doute d’une osmose environnementale. On pourra citer les couples Varda-Demy, Bergman-Rossellini, Minnelli-Garland et leurs descendants, Mathieu, Isabella, Usa, mais aussi les pères et fils (ou filles) Chaplin, Depardieu, Stévenin et d’autres.
Les frères et soeurs ont des liens professionnels moins évidents a priori ; on trouvera Francis et John Ford, les célèbres Marx Brothers (4 au départ), les non moins célèbres frères Warner, Taviani, les moins connus frères Kaufman (dont l’un est Dziga Vertov), les soeurs Breillat, Poliakoff (Marina Vlady et Odile Versois), Dorléac (Catherine Deneuve et Françoise Dorléac) Bardot (Brigitte et Mijanou), Gish… dont la célébrité de l’un (ou de l’une) dépasse souvent celle de l’autre. Dans l’ensemble, cela relève d’une ou de deux générations.
Mais il est un cas quasi unique dans l’histoire du cinéma mondial : la famille Bracho qui durant 3 générations a donné des acteurs, actrices, cinéastes, décorateurs parmi les plus célèbres : depuis l’époque du muet (Ramon Novarro) et jusqu’à nos jours (le jeune acteur Julio Bracho Jr, célèbre star de télénovelas mexicains), en passant par ceux qui illustrèrent l’âge d’or du cinéma mexicain : le réalisateur Julio Bracho, les actrices Dolorès del Rio et Andréa Palma, le décorateur Jésus Bracho et plus récemment Diana Bracho qui débuta brillamment chez Arturo Ripstein.