En 1958, avant de jouer dans Le Monde d’Apu, mon premier rôle à l’écran, j’eus l’idée d’écrire une longue « biographie » du protagoniste, biographie dans laquelle j’essayai d’imaginer un certain nombre d’incidents en rajoutant au scénario principal. Satyajit Ray – déjà réalisateur de Pather Panchali, d’Aparajito et du Salon de musique – m’écouta avec attention, Une des nombreuses raisons de mon respect pour lui a pour origine cette curiosité calme avec laquelle il écoute les idées des acteurs.
Avant de tourner, Ray lit le texte, à haute voix, aux acteurs. Il semble toujours que tout le travail est déjà là. Que doit donc faire l’acteur pour y contribuer ? Je pense que la plus grande contribution qu’un acteur puisse faire dans un film de Ray est d’apporter au personnage qu’il joue une authenticité émotionnelle. Elle grandit à partir des textes de Ray. Ils apportent une description à ce point vraie de ce que nos gens vivent qu’ils provoquent une réaction émotionnelle spontanée dans l’esprit de l’acteur.
C’est la raison principale du plaisir de jouer dans les films de Ray – non qu’il soit le réalisateur le plus célébré en Inde, mais parce qu’il est le chroniqueur le plus vrai de la réalité humaine qui nous entoure.
Soumitra Chatterjee
Satyajit Ray et « 3 Continents » : une valse à 4 temps
Temps 1 : Cannes 78
Les Joueurs d’échecs sont projetés dans une salle de la rue d’Antibes devant une dizaine de personnes. Pour réparer cette injustice (la 2ème après le refus du festival de sélectionner Charulata en 1965), je (Philippe) me fends d’un article sur le film dans les Cahiers du Cinéma et nous décidons de créer le Festival des 3 Continents (ce fut effectivement l’une des vraies raisons).
Temps 2 : Calcutta, avril 80
Lors de notre visite en Inde – pour préparer entre autres une rétrospective de l’Inde du Sud – nous allons jusqu’à Calcutta où par chance avait lieu un festival de cinéma. Comme beaucoup d’entre nous, nous n’avions vu que la Trilogie d’Apu et cela datait déjà Depuis, Ray avait disparu des écrans français. Nous découvrons donc alors La Pierre philosophale et Charulata. Enthousiasmés, surtout par Charulata, nous demandons à rencontrer Satyajit Ray. Il nous reçoit alors avec chaleur et simplicité dans son sublime appartement, 1/1 Lefroy Bishop Road, dans un univers où la création artistique est partout présente (tableaux, dessins, posters, photos ), s’en suit une longue discussion sur le cinéma et la décision de programmer au festival une rétrospective. Satyajit Ray choisit une dizaine de films qu’il considère comme importants.
Temps 3 : Nantes, novembre 80
Par amitié, Satyajit Ray fait coincider sa venue en France (co/ production de Pikoo) pour venir voir le festival. Nous reparlons encore de la rétrospective et Ray donne une conférence de presse à l’Hôtel de France.
Temps 4 : Nantes, novembre 2006
Enfin la rétrospective, intégrale cette fois. Satyajit Ray n’est plus là physiquement, mais spirituellement présent à travers son oeuvre éternelle.
Alain et Philippe Jalladeau