Etre à l’heure du genre, aujourd’hui, dans le cadre du Festival des 3 Continents, c’est une manière de ponctualité envers deux exigences : d’une part témoigner d’un attachement à une certaine idée du cinéma dont le genre est un pilier, d’autre part de rendre compte de la vitalité des films du Sud, y compris dans des modes d’expressions assez peu présents hors des festivals spécialisés.
Le cinéma de genre pâtit, ce n’est rien de le dire, de certains a priori qui le rejettent volontiers au dehors de l’art. L’approche qui a longtemps dominé, on gagera qu’elle prévaut encore, consiste à considérer ces productions sous un angle prioritairement économique, la valeur commerciale des films suffisant parfois à lever la suspicion. Il serait vain de nier d’un bloc la pertinence de cet argument mais il convient de s’en saisir avec un effort de nuances. Les comédies, les thrillers, les films fantastiques, d’horreur ou d’action, occupent les premières places du box-office international : ce sont des films itinérants, voyageurs, indépendamment des références culturelles et des codes de représentation parfois très locaux qu’ils convoquent. Leur circulation suppose une réception élargie et souvent plus spontanée du cinéma des autres que ne le laisse penser le modèle d’un cinéma américain acculturant.
Film après film, sur la base d’une codification fondamentale et précise (intrigues, personnages, décors, scènes-clés, procédures formelles, etc.) le spectateur retrouve un ensemble de motifs familiers dont il peut à chaque fois vérifier l’état, mesurer la température – on regarde évoluer les genres comme on prend le pouls d’un ami de longue date.
En observant les répétitions et surtout les torsions que ces repères sont susceptibles de subir d’un film à l’autre, dans le renvoi de la balle d’un espace culturel à un autre, notre ambition serait de nous mettre à l’épreuve de l’actualité et de la vitalité du cinéma de genre dans les pays du Sud : distinguer ce qui s’y donne sous une forme reconnaissable et néanmoins particulière, comprendre aussi dans quelle mesure le cinéma de genre depuis les grands fondements hollywoodiens, continue d’être un terrain actif de pensée et d’invention formelle.
Ce que le cinéma de genre offre de précieux à nos yeux est une opportunité de croiser les publics, d’intéresser aussi bien les amateurs de divertissements spectaculaires que la cinéphilie la plus aventureuse. «À l’heure du genre» invite à la découverte de thrillers, de films fantastiques, d’horreur, d’action, des films pour certains en avant-première avant leur sortie nationale, pour d’autres privés de grand écran à ce jour.
À ce rendez-vous nous attendent déjà un gangster sentimental, des flics perdus dans Hong Kong, un double récalcitrant, un fantôme thaïlandais très énervé, des gâchettes virtuoses, quelques litres de sang, quelques frayeurs aussi et même, les tout premiers et déjà mythique zombies pakistanais.
Jérôme Baron et Jean-Philippe Tessé
Programmateurs