Il reste assurément dans les plis de l’histoire du cinéma quelques secrets bien gardés. Dès son origine, le Festival des 3 Continents a eu pour ambition de contribuer à leur révélation. La renommée de la manifestation est indissociablement liée à ce travail exploratoire et de mise à jour régulière de nos connaissances du fait cinématographique.
Cette année, l’occasion était belle autour de la restauration de deux de ses films de rendre en sa présence hommage à Ali Khamraev, l’une des plus importantes figures du cinéma d’Asie Centrale. Comme d’autres réalisateurs de sa génération (Andreï Tarkovski, Artavazd Pelechian, Otar Iosseliani), il a été formé au VGIK, la prestigieuse école moscovite du cinéma soviétique. Ses oeuvres conservent de cet enseignement des marques évidentes : qualité picturale de la composition, précision millimétrée de la mise en scène, exploration des ressources du montage. Mais le cinéma de Khamraev témoigne d’une imprévisible capacité à faire le grand écart. La réjouissante inventivité de ses films jette un pont qui court des avant-gardes soviétiques jusqu’à Sergio Leone, concentre maîtrise théorique et intuitions géniales, indissocie inspiration populaire (The Seventh Bullet – 1972 avec ses vingt-deux millions d’entrées reste le film le plus vu de toute l’histoire du cinéma d’Asie Centrale) et visions fortes d’un auteur.
On saisit mieux l’enthousiasme que la présentation prochaine de ces films aux États-Unis inspire à Kent Jones, programmateur, critique, et co-directeur de la World Cinema Foundation : « S’il y a un géant de l’histoire de cinéma ouzbek, c’est bien Ali Khamraev. Un artiste d’un humanisme à toute épreuve et une puissance narrative qui continue de nous étonner. Ali Khamraev, un de ces talents rares comme Welles ou Godard ou Scorsese dont l’amour pour le cinéma est si intense que ses meilleurs films détonnent chargés d’un éclat foisonnant d’énergie et d’idées semblable à un feu d’artifice. Khamraev est une figure incontournable, un magicien des paysages (ils semblent tous êtres chargés, souvent enchantés) et un génie instinctif de la direction d’acteurs. La talentueuse bravoure cinématographie de Khamraev fait resurgir le geste juste, fusionne le physique, le visuel, et le spectaculaire avec une parfaite précision. Son travail mérite la comparaison avec Paradjanov et Dovjenko. » Kent Jones, directeur adjoint, World Cinema Foundation.
Ne dissimulons pas notre plaisir de (re)découvrir à vos côtés ces films en première mondiale.
Jérôme BARON