Pour la première fois cette année, le Festival des 3 Continents présente un panorama de film d’études qui ont pour particularité de provenir tous de la même école.
L’enseignement du cinéma dispensé au Sapir College and Television School de Sderot est guidé par des motivations distinctes de celles qui prévalent dans les autres formations israéliennes. Réputée pour la liberté d’expression et de création qu’elle offre aux étudiants, la pédagogie de l’école est avant tout orientée par la nécessité d’établir une connexion entre sa localisation, la zone semi-désertique et défavorisée de la plaine de la Néguev (terre de tensions permanentes, voisine de Gaza) et son objet d’étude : le cinéma. Il n’est pas étonnant dans ce contexte que le cinéma documentaire y soit, sans être imposé, plus encouragé qu’ailleurs.
Les étudiants, originaires d’Éthiopie, du Yémen, Palestiniens, ou descendant de Juifs d’Afrique du Nord, d’Europe, de Russie, soulignent au cours de plusieurs échanges que j’ai pu avoir avec eux le besoin de clarifier leur rapport à leur propre identité et à la référence collective. Pour la plupart, ils relèvent une incompatibilité entre les représentations dominantes (médiatiques et politiques) et celles qu’ils reconnaîtraient comme justes aujourd’hui, en dialogue avec leurs perceptions et leur aspirations. Dans un contexte instable, leurs films expriment tous à leur manière les divisions internes et les contradictions de la société civile israélienne.
Depuis neuf ans, le programme d’études de l’école s’est adossé à la création d’un festival de cinéma : Cinema South Festival – Sderot. Cette manifestation a pour but d’apporter une connaissance des réalités et oeuvres cinématographiques asiatiques, arabes, africaines, ou latino-américaines. Pour Avner Faingulernt (directeur du département cinéma) et Erez Pery (enseignant et directeur artistique), les expériences de créations passées et présentes repérables dans ces pays permettent aussi d’inciter leurs étudiants à regarder autrement et dans d’autres directions, à modérer l’influence historique des cinémas européens et nord-américains sur les films faits en Israël. Les environnements dont proviennent quelques films significatifs ont sur bien des points un rapport de plus grande proximité ou de résonance avec certaines réalités israéliennes. Surtout, il est évident à leurs yeux que le cinéma des autres constitue un préalable à toute expérience viable de l’altérité.
Jérôme BARON