Festival 3 Continents
Compétition internationale
46e édition
15>23 NOV. 2024, Nantes

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Sélection officielle - Séances spéciales

Nous aurions été bien en peine de lui attribuer par avance un tel visage, mais la réunion des huit films de la compétition et de leurs compagnons des séances spéciales en sélection officielle s’est pourtant progressivement imposée à nous, moins parce qu’il y aurait entre eux un air de ressemblance – leur diversité enthousiasmante est plutôt le gage de créations affirmées – que parce qu’ils manifestent un même appétit d’histoires et de formes sans jamais en faire, pour ainsi dire, « toute une histoire ».

Certains titres (pourtant) en portent la trace ou même l’annoncent : « once upon a time », « contes du hasard», « new old Play » ou « grand mouvement », plumes (Feathers) et fées (Shankar’s Fairies)… Mais devant les films on se dit, et avec joie, que c’est bien là, solide et vivant, que ça fictionne et que ça bourgeonne, prêt à nous accueillir, à nous transporter plutôt qu’à se faire mousser : non un volontarisme, un embarras de références, l’encombrement d’hommages, une impuissance à filmer dissimulée derrière les oripeaux de la fiction ou d’un cinéma rêvé au passé, mais la remise sur le métier par des cinéastes du monde entier de toutes les manières – érudites, absurdes, subtiles, chamaniques, humbles ou malicieuses – pour le cinéma d’inventer une chambre d’écho à la réalité, qu’il prenne le réel au filet de l’environnement immédiat, quand Natesh Hegde tourne Pedro chez lui et avec son père dans le rôle principal, d’un lieu peuplé de tous ses résidents comme la prison de Rancho, ou d’un studio de cinéma, fût-il improvisé et non sans un reste d’ambiguïté, comme l’appartement de The Inheritance.

Contes et opéra, cinéma populaire, récits ouvragés, qu’ils soient d’une concision tranchante ou d’une amplitude chorale, ambition musicale ou visionnaire traversent notamment les films de la compétition, mais pour chantourner un rapport au monde, à l’humain, à des individus, des villes, des sociétés ou aux courants de l’Histoire.

D’où aussi (encore) certaines surprises : ici le romantisme réjouissant et politiquement résistant, au premier degré, de Vengeance Is Mine…, là la tenue du monde filmé, paradoxale car sur un point de bascule, au sein d’un geste qui pourrait être tout d’abstraction (la dimension inquiétante de Le Grand Mouvement, pré-apocalyptique plutôt que post-, déployant des antennes fébriles plutôt que mimant la table rase).

Une jeune cinéaste indienne inscrit comme un poème épique et douloureux, mais aussi intime, un présent trouble et agité parmi les toiles vivantes des films anciens projetés sur les draps et les murs (Toute une nuit sans savoir), un autre, philippin, retrouve les gestes de montage et de cadrage, fiction et documentaire entremêlés du cinéma muet, sans l’ombre d’un clin d’œil passéiste (Tug). Le cinéma qui pointe ici est un compagnon de voyage, une source, un milieu pour l’expérience, un mouvement, bain de jouvence ou substance originelle qui ne nous laisse pas seuls au monde – spectateurs ou personnages sur l’écran.

Jérome Baron, Florence Maillard et Aisha Rahim

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