La Sélection officielle, composée d’une Compétition internationale et de Séances spéciales, rassemblent des longs métrages récents (fictions et documentaires) pour la plupart inédits en France.
Éditorial Compétition internationale
On ne sait jamais vraiment dire quels vents soufflent sur le cinéma qui vient. Mais cette année comme les précédentes, l’emprise du réel sur les nombreux films que nous avons visionnés nous a semblé peser d’un poids incommensurable. Nécessité ou contingence ? Symptôme post pandémique, contrepoint aux esthétiques interchangeables et parfois hors sol des plateformes numériques ? Ce « retour au réel » traduit sans équivoque de vives inquiétudes face à l’état du monde. Mais qu’il s’agisse de fiction ou de documentaire, résister à une écrasante ascendance du réel c’est offrir au cinéma une chance de ne pas réduire sa portée à celle d’un simple reflet, se redonner une chance de témoigner une attention soutenue aux choses sans assécher le pouvoir d’invention du regard qu’on pose sur elles. Nos propositions s’inscrivent dans ce va-et-vient entre l’œil et la chose, entre le regard et l’objet. C’est la tâche à laquelle nous nous sommes attelés pour sélectionner, parmi tous les films vus, ceux qui vous seront présentés.
Sortant du tumulte étouffant des conspirations dans lequel agonisent le peuple et le cinéma iranien, Scent of Wind ouvre son monde à coups de plans larges et distanciés et nous invite à découvrir une suite d’actions nécessaires, déclinaisons d’un geste essentiel et comme rendu à sa visibilité. À l’inverse, Day After… regarde sa communauté à l’échelle miniature d’un bateau à roue, embarquant le Bangladesh dans un périple devenu film. Adieu, Capitaine explore les moyens du cinéma documentaire avec opiniâtreté pour donner à sa fresque l’échelle exacte de l’histoire d’une communauté indienne du Brésil. Shivamma, s’il s’inscrit dans une veine sociale, jamais ne condamne ses personnages à la complainte du déterminisme, et se promène même sur la ligne de crête d’une certaine excentricité, à l’image des plus romanesques Love Life ou Cendres glorieuses. Où que soit placé le curseur dans ces va-et-vient entre le regard et son objet, ces films manifestent pour la plupart leur volonté de se colleter à la question du pays. C’est le cas des deux films brésiliens Adieu, Capitaine et Rule 34 bien qu’à travers des motifs éloignés. Scent of Wind vaut tout autant comme fable universelle que comme réponse à un sentiment durable d’asphyxie. Même un pays qui n’existe pas comme le Cachemire, pris dans l’étau des rivalités régionales, existe dans L’Hiver intérieur, et se donne des visages qui nous regardent. Jet Lag, brouillant les lignes géographiques, nous semble affirmer une résistance par l’intime et trouver là son pays. Quant à Autobiography, son titre-même dévoile l’injonction qui motive le récit – à l’échelle de son personnage, celui d’une génération et à travers elle d’un cinéaste tout juste trentenaire.
Rien ne vient obérer cet éternel projet du cinéma, qui est de donner des nouvelles de chez soi. Nous vous espérons nombreux à venir au festival pour les recevoir.
Jérome Baron, Florence Maillard & Aisha Rahim