Une sélection de dix films en première française et première européenne.
Éditorial de la Compétition internationale
La réalité d’une société, comme celle de chaque destin individuel, est un édifice fragile, construit, maintenu, inventé dans un combat de chaque jour. Les films rassemblés cette année dans la Compétition officielle du Festival des 3 Continents, pour différents qu’ils soient, s’attachent tous à capter la façon dont chacun, avec et parmi les autres, est animé d’un souffle particulier. D’une force, d’une vitalité, d’une résistance, où pointent aussi ces failles qui font l’humanité de personnages souvent ordinaires.
Fictions ou documentaires, les films creusent à même la vie de leurs protagonistes des portraits toujours en mouvement, portraits d’enfants dans Rapture et Le Spectre de Boko Haram, portraits de jeunes hommes en formation dans firedream ou Deaths and Wonders, portrait d’un trentenaire à la recherche d’un nouveau départ dans The Bilbaos, portrait d’un quadragénaire en proie au tournant de l’âge dans The Shadowless Tower. Nous touche aussi, dans ces films, la manière dont chacun d’entre eux embrasse aussi bien la solitude que les liens, de couples, de familles ou d’amitiés, multipliant les échelles où se renforcent ces mouvements, ces luttes, ces élans.
Cela ne fait pas de notre compétition un chapelet de récits optimistes : tous négocient avec l’inquiétude, l’impermanence, l’épuisement, la mort ou la violence parfois la plus grande. Et c’est là qu’ils révèlent leur puissance, leur rage, leur douceur ou leur entêtement. Pour dire l’agitation ou l’empoisonnement de sociétés entières, en Inde, en Iran, au Kirghizistan, certains films de la sélection se distinguent par leur ancrage ferme dans un registre, métaphorique ou naturaliste, qui exalte l’humaine dimension du tableau. Mais dans tous, on y filme encore et toujours du côté où ça vit.
Coïncidence remarquable, la poésie – des poèmes qu’on dit, qu’on lit ou qu’on écrit – circule dans la moitié au moins des dix films de la sélection, y compris dans ceux où on ne l’attend pas, comme Critical Zone. Elle y circule partout avec une même familiarité, comme tressée à la vie même, à cette région de l’être que ces films entreprennent d’arpenter, quand ils ne la protègent pas comme une flamme dans la tempête. À cette même source naît le geste cinématographique, sans qu’il soit besoin de le souligner plus que nécessaire : l’hospitalité des films parle pour elle-même.
Poésie et lutte : une certaine explosivité lacère la forme de certains récits ou montages, comme une façon de dévisager l’abîme sans perdre de vue l’essentiel.
Jérôme Baron, Florence Maillard & Aisha Rahim